Génocide au Rwanda: colère de survivants face à l'éventuelle libération de Kabuga

Une organisation faîtière de survivants du génocide au Rwanda a exprimé mardi colère et déception après que des juges d'appel d'un tribunal de l'ONU ont déclaré que le financier présumé du génocide au Rwanda en 1994 devrait être libéré d'urgence.

8 août 2023 à 14h36 par AFP

"La décision de potentiellement libérer (Félicien) Kabuga est une insulte délibérée aux blessures profondes dont souffrent les survivants du génocide", a déclaré à l'AFP Naphtali Ahishakiye, le secrétaire exécutif de l'association Ibuka.
"Nous envisageons maintenant de rompre complètement nos liens avec la cour", a-t-il ajouté, soulignant que les survivants "sont extrêmement en colère et déçus".
M. Kabuga, qui a 88 ans selon les autorités mais prétend en avoir 90, est accusé d'avoir fondé et financé une station de radio qui avait appelé à la haine et motivé les tueurs qui avaient massacré quelque 800.000 personnes en 1994.
Arrêté à Paris en 2020, après deux décennies de cavale, l'ancien homme d'affaires, qui se déplace en fauteuil roulant, a été jugé en septembre devant un tribunal spécial chargé des crimes de guerre et a plaidé non coupable. La procédure a été suspendue en mars.
En juin, alors que des experts médicaux avaient conclu que M. Kabuga souffrait de "démence sévère", les juges ont estimé que M. Kabuga était "inapte" à être jugé mais devait malgré son état de santé être jugé via une procédure simplifiée.
Cette décision était "une erreur de droit" ont déclaré les juges d'appel lundi, ordonnant au tribunal de "rapidement examiner le problème de la détention provisoire de M. Kabuga".
"Ce résultat est dû avant tout à la fuite de M. Kabuga de la justice pendant tant d'années", a déploré dans un communiqué le procureur de l'ONU Serge Brammertz qui a néanmoins indiqué que la décision de la chambre d'appel "doit être respectée, même si le résultat est insatisfaisant".
Me Emmanuel Altit, qui défendait le suspect, a pour sa part exprimé auprès de l'AFP sa satisfaction de voir mis un terme à un "processus devenu vide de sens".
Le génocide au Rwanda a fait plus de 800.000 morts, selon l'ONU, essentiellement des Tutsi exterminés entre avril et juillet 1994.
"S'aligner sur un tribunal qui protège en permanence les auteurs du génocide au détriment de la justice pour les survivants a perdu sa raison d'être", a estimé M. Ahishakiye. "Notre coopération continue avec ce tribunal est intenable - elle ne sert à rien", a-t-il ajouté.