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Tensions en Afrique de l'Ouest : Bassirou Diomaye Faye, nouveau médiateur entre la Cedeao, le Mali, le Burkina Faso et le Niger

Les relations se tendent entre la Cedeao - la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest - le Niger, le Mali et le Burkina Faso. Les trois pays ont organisé leur premier sommet samedi 6 juillet, à Niamey, au Niger. Une réunion qui a débouché sur la création d'une Confédération des Etats du Sahel et qui acte le divorce avec l’organisation régionale. Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a été nommé médiateur, avec le président togolais, Faure Gnassingbé.

Bassirou Diomaye Faye
Bassirou Diomaye Faye devra apaiser les relations entre la CEDEAO, le Mali, Niger et Burkina Faso
Crédit : Flikr

8 juillet 2024 à 16h54 par Keisha MOUGANI

"Nous ne pouvons pas rester les bras croisés", a jugé Bassirou Diomaye Faye, président du Sénégal, dans une vidéo postée lundi 8 juillet sur les réseaux sociaux après son retour à Dakar. Il  a appelé à l’apaisement entre la Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) et les Etats sahéliens, qui ont quitté l’organisation en janvier dernier.

Il a été nommé “facilitateur” par l’organisation avec le président togolais Faure Gnassingbé lors du 65ᵉ sommet qui s’est tenu dimanche 7 juillet à Abuja, au Nigéria. Les rapports avec le Mali, le Niger et le Burkina Faso, étaient au cœur des discussions. La veille du sommet de la Cedeao, les trois pays se sont réunis à Niamey (Niger) pour renforcer leur coopération. Il en a découlé la création d’une Confédération des Etats du Sahel. 

 Malgré les mains tendues aux Etats sahéliens, les dirigeants de la Cedeao ont constaté le "manque de progrès dans les interactions avec les autorités du Burkina Faso, du Mali et du Niger".

Le président sénégalais a précisé que malgré leur retrait, les trois pays demeurent membres de l’organisation en faisant référence à l’article 91 du traité de la Cedeao. Ce dernier stipule que les membres restent tenus par leurs obligations pendant une période d'un an après avoir notifié leur retrait. "J'espère que d'ici la fin du délai de préavis, il y aura assez de discussions qui permettront de réconcilier les positions et de travailler à renforcer l'organisation afin qu'elle prenne mieux en charge les défis communs", a déclaré Bassirou Diomaye Faye.

Le sommet de la Cedeao a ordonné la préparation d'un "plan d'urgence prospectif" pour "faire face à toutes les éventualités" dans les relations avec les trois pays sahéliens. 

Un risque de déstabilisation dans la région ?

"En dehors des nombreuses menaces liées à la paix et à la sécurité ainsi que les défis liés à la pauvreté, notre région est également confrontée aux risques de désintégration", s'est alarmé Omar Alieu Touray, chef de la commission de la Cedeao. Il considère qu’avec cette scission, les trois pays risquent “l’isolement diplomatique et politique” . Leurs ressortissants pourraient également devoir obtenir des visas pour voyager dans la région, a-t-il déclaré, sans préciser quand la mesure pourrait prendre effet.

Ces tensions interviennent dans un contexte sécuritaire inquiétant. Les pays de la Cedeao et les trois pays sahéliens font face au djihadisme. À la veille du sommet de la Cedeao, les ministres de la Défense et des Finances des pays membres se sont penchés sur le financement d'une "force régionale de lutte contre le terrorisme et de rétablissement de l'ordre constitutionnel".

Leur projet prévoit la création d'une unité initiale de 1 500 hommes et une proposition visait à rassembler ensuite une brigade de 5 000 soldats, pour un coût d'environ 2,6 milliards de dollars par an. Alors que le bloc est confronté à des défis régionaux, Omar Alieu Touray a également averti que la situation financière de l’organisation était critique. 

 Des relations glaciales depuis les coups d’états survenus au Mali, Burkina Faso et Niger

Les dirigeants militaires actuels du Niger, du Mali et du Burkina sont arrivés au pouvoir par des coups d'Etat, qui n’ont pas été soutenus par la Cedeao. Les tensions entre cette dernière et les nouveaux dirigeants de ces pays ont débuté à ce moment-là.

La situation a été encore plus tendue avec le Niger. Après le renversement du président Mohamed Bazoum, en juillet 2023, la Cedeao a imposé de lourdes sanctions comme la fermeture des frontières, de l'espace aérien, le gel des avoirs du pays dans les banques étrangères. Elle avait également menacé la junte d’une intervention militaire si elle ne réintégrait pas le président Bazoum. Certaines sanctions ont été levées en février dernier, mais les relations entre certains pays de la région demeurent compliquées, notamment entre le Bénin et le Niger.

Les trois pays ont également rompu avec la France, ancienne puissance coloniale,  en faisant partir les troupes françaises qui étaient stationnées chez eux.

Le retrait des pays du Sahel de la Cedeao a été alimenté en partie par leur accusation selon laquelle Paris manipule l'organisation régionale et ne fournit pas un soutien suffisant aux efforts anti-jihadistes.

Le général Abdourahamane Tiani, le leader nigérien, a appelé samedi 5 juillet à construire "une communauté éloignée de la mainmise des puissances étrangères". Il a aussi affirmé que les peuples des trois pays avaient "irrévocablement tourné le dos à la Cedeao", rejetant les appels du bloc à rentrer dans les rangs. 

(Avec AFP)