A coups de déclarations fantasques et de meetings express, le novice en politique de 63 ans qui a troqué les costumes trois pièces pour militer parfois pieds-nus, s'est non seulement fait un nom mais pourrait aussi bousculer le 9 août le duel annoncé entre Raila Odinga et William Ruto.
Avec son parti "Roots" aux influences rasta fondé en 2013, il pourrait contraindre les deux poids-lourds à un second tour, ce qui serait une première pour ce pays d'Afrique de l'Est.
Quand son camion de campagne à la tôle rouillée s'arrête sur les bords de route poussiéreux en banlieue de Nairobi, des dizaines de jeunes s'agglutinent.
Les sonos crachent du reggae, la clameur monte devant le candidat Wajackoyah qui distribue sourires, salutations du poing et pour seul slogan: "Bhang", en référence au cannabis qu'il entend légaliser pour alléger le fardeau exponentiel de la dette kényane (estimée à 70 milliards de dollars).
"Je serai le président de tout le monde", lance, jovial, l'excentrique avocat à la barbe grisonnante, "j'aimerais que les gens fassent une chose: voter pour une personne et non pour un parti".
Quelques pas de danse, et le voilà déjà reparti sur la route, sans autre interaction avec la poignée de curieux ni de débat autour de son programme.
Dans son manifeste, George Wajackoyah promet une semaine de travail à quatre jours.
Il présente l'exportation de testicules de hyènes - réputées prisées dans la médecine chinoise -, ainsi que celle de venin, de viande et de peau de serpent comme des remèdes pour l'économie kényane fragilisée par la sécheresse et la guerre en Ukraine.
Ce programme lui a permis d'attirer l'attention du public, contrairement au quatrième candidat David Mwaure, ancien avocat dont la campagne est passée sous les radars. Il pourrait aussi séduire quelques électeurs, en particulier dans les rangs d'une jeunesse en grande majorité sans emploi et plus préoccupée par l'inflation galopante que par le scrutin.
Stephen Kariuki, rencontré au meeting, est l'un d'eux.Selon ce trentenaire sans travail, Wajackoyah a le mérite de "ne pas être milliardaire" contrairement à Odinga et Ruto, et apporte "l'espoir" dans un Kenya où "même si on a des diplômes, on n'a pas de travail".
- Siphonner des voix -
La trajectoire de Wajackoyah est tout aussi surprenante que son programme.
Parachuté sur la scène politique en février, au moment de l'annonce de sa candidature, il assure lors d'interviews être resté dix mois et demi dans le ventre de sa mère, ou avoir été sauvé de la rue par le paléoanthropologue kényan Richard Leakey et des fidèles de la communauté Hare Krishna.
A sa sortie du lycée en 1980, il intègre la police puis s'impose comme un des meilleurs agents de renseignement sous l'ère du président autocrate Daniel Moi.
Son enquête sur l'assassinat en 1990 du ministre des Affaires étrangères, Robert Ouko, lui vaut d'être arrêté, torturé, et de s'exiler en Grande-Bretagne.Là, il occupe de petits boulots, dont celui de fossoyeur, pour financer ses études avant de retourner au Kenya en 2010.
Durant la campagne, la cote de popularité de ce père de trois enfants n'a jamais décollé, les sondages le créditant tout au plus de quelques centaines de milliers de voix.De quoi peser toutefois en cas d'écart serré entre les deux favoris.
L'ambiguïté récurrente du candidat rasta par rapport à Raila Odinga a alimenté les suspicions sur la sincérité de sa candidature.
La presse nationale questionne l'existence d'un "pacte secret" entre lui et Raila Odinga, la candidature du premier servant à siphonner, au profit du second, quelques voix à William Ruto, vice-président sortant.
Le quotidien Daily Nation titrait ainsi en juin: "Wajackoyah: marionnette de Raila ou troisième force?"
"L'idée que le professeur soutient Odinga est (...) un vœu pieux qui n'existe que dans l'esprit de médias biaisés", s'est défendue jeudi l'équipe de Wajackoyah.
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