Dialogue national centrafricain : « Il faut mettre fin à la souffrance du peuple et non se partager les gâteaux » (Cardinal Dieudonné Nzapalainga)

Infos. Le dialogue républicain en Centrafrique, pays en guerre civile depuis 2013, a pris fin dimanche 27 mars. Une semaine de débats sans les groupes armés qui n'étaient pas convié ni l'opposition dont une partie a décidé de boycotter les travaux. Interrogé par Liliane Nyatcha, le Cardinal Dieudonné Dieudonné Nzapalainga, archevêque de Bangui en Centrafrique estime que le peuple doit être la priorité pour tous les acteurs de la crise.

Dialogue national centrafricain : « Il faut mettre fin à la souffrance du peuple et non se partager les gâteaux » (Cardinal Dieudonné Nzapalainga)
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Comment appréciez-vous le déroulement du dialogue républicain ouvert lundi à Bangui sans l'opposition politique et sans les groupes armés ?

Nous avons toujours demandé un dialogue inclusif impliquant tous les protagonistes pour en finir pour une fois avec la crise centrafricaine. Certes, nous avons nos désirs et nos attentes mais ceux qui dirigent ont aussi leur agenda. La proposition leur a été faite pour un dialogue républicain. Les uns et les autres, tous, nous estimons qu’il est temps de penser à l'avenir de ce pays, en l'occurrence, des pauvres populations qui souffrent et qui n’ont rien.

Il est temps de mettre fin à la souffrance. Nous pensons que le dialogue est ce lieu où on peut appeler l'arbre à palabres pour laver le linge sale en famille. Mais là, nous constatons qu’il y a un groupe qui n'est pas présent, il y a un goût d'inachevé en moi et je l’exprime parce que ceux qui ne sont pas venus pourront dire demain ne pas être concernés par ce qui s'est passé. J’aurais souhaité qu’il y ait un consensus, un compromis pour arriver à nous retrouver tous.

Est-ce que l'absence de ces deux entités , c'est à dire politique et groupes armés ne laisse-t-elle pas penser qu'il s'agit davantage d'un monologue que d'un véritable dialogue ?

J’ai constaté que quelques-uns de l'opposition sont venus à titre personnel et ont pris part au dialogue. Je suis un observateur averti, je tends les oreilles comme tout centrafricain pour entendre ce qui sera dit pendant ce moment-là. Et ce qui devrait être une priorité, c’est le peuple. Il faut mettre fin à la souffrance du peuple et non se partager les gâteaux.

Malgré les conditions insatisfaisantes dites-vous, dans quelle ambiance se déroulent ces discussions et qu’en attendez-vous ?

Je souhaite que les vraies questions de ce pays, c’est-à-dire, comment mettre fin à la guérilla, à la rébellion, soient abordées parce que les parents dans l'arrière-pays n’arrivent pas à aller au champ, ni à cultiver. Les gens ne circulent pas, ils ont des difficultés. Que tous ceux qui sont venus de l’extérieur puissent retrouver le chemin pour rentrer chez eux. Qu’on aborde ces questions, qu’on enterre nos haches de guerre, qu’on dépose les armes car chacun doit vaquer à ses occupations et qu’on arrive vraiment à donner la chance aux jeunes de reprendre le chemin de l’école.

Depuis des années, il n’y a pas d’école et, même s’il y a des écoles, les enseignants ne sont pas au rendez-vous parce qu’ils ont peur de l’insécurité. Est-ce normal de condamner tout un peuple, tout une génération ? Je dis non. La question de santé par exemple. Beaucoup de personnes dans l' arrière-pays sont malades et ont toutes les difficultés à trouver des médicaments.

Mais pensez-vous que les participants sont dans cet état d’esprit, celui de sursaut que vous souhaitez ?

Moi je ne peux qu’espérer que ces gens-là entendent non seulement la voix de la raison, mais aussi la voix de la foi afin de s’interroger sur les véritables questions. Si nous faisons encore des mascarades et des jeux où on cherche plutôt à se positionner, nous n’aurons pas aidé ce peuple. Nous serons complices, c’est-à-dire, que nous aurons enterré les rêves des jeunes et du pays. Il y a des gens qui profitent des malheurs du pays, qu’il sombre toujours dans la catastrophe. Nous dénonçons et refusons cette manière de faire.

Comment l’église catholique centrafricaine contribue-t-elle à la réussite de ce dialogue politique ?

Quand on a sollicité l’église catholique, elle a exprimé sa disponibilité en envoyant un des prêtres qui fait actuellement partie de l’équipe en notre nom. Mais aussi, l’église catholique continue le dialogue, que j’appelle « informel ». C’est un cadre où on parle des mêmes problèmes. La semaine prochaine d’ailleurs, je prends la route pour aborder ces questions avec les quelques groupes de déplacés qui sont revenus du Cameroun, pour écouter ceux qui ont le cœur gorgé de haine et trouver des solutions. Je pense qu’il faut continuer ce travail. Inlassablement.

Quelle sera la valeur des conclusions de ces assises ? Et comment les mettre en œuvre sans l’adhésion de l’opposition armée et politique ?

Nous espérons que ces conclusions prendront en compte les grandes questions dont je parle. Je demande simplement qu’on puisse voir l’intérêt national. Si les vraies questions sont posées, elles devraient nous concerner tous. Et si on part au dialogue pour mettre fin à l’impunité, je prends acte même si je n’y ai pas pris part.

Décryptage Cardinal Nzapalainga

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