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Massacre raciste de Tulsa aux États-Unis : la Ville crée une commission pour dédommager les survivants et leurs descendants

Plus de cent ans après le massacre raciste de Tulsa (1921) qui aurait fait près de 300 morts, la Ville a décidé d'ouvrir une commission pour dédommager les survivants et leurs descendants, jeudi 1er août. Vendredi 2 août, une équipe d'archéologue a découvert des corps et une quarantaine de tombes, dans le quartier de Greenwood où ont eu lieu les émeutes raciales.

Le quartier de Greenwood
Le quartier de Greenwood à Tulsa après les émeutes
Crédit : Bibliothèque du Congrès

8 août 2024 à 17h45 par Keisha MOUGANI

"Un des dossiers les plus difficiles auxquels j'ai dû faire face depuis que je suis maire, c'est celui du dédommagement des victimes du massacre raciste de Tulsa, en 1921, et de leur famille."  Dans un post publié sur le réseau social X, jeudi 1er août, G.T Bynum, maire de Tulsa a annoncé la création de la commission "Beyond Apology" (Au-delà des excuses).

Elle aura la charge de faire plusieurs recommandations pour dédommager les victimes des attaques racistes qui ont eu lieu il y a plus de 100 ans dans le quartier afro-américain de Greenwood, à Tulsa. Le maire insiste notamment sur le point suivant : mettre en oeuvre des moyens pour que les familles se récreent une fortune intergénérationnelle, et la mise en place d'un programme pour l'aide au logement et l'accès à la propriété. 

 

Si le bilan de 1921 faisait état de 79 morts (68 Afro-américains et 9 Blancs), une nouvelle estimation établie en 2001 a porté le nombre de morts à 300. Mais il pourrait être revu à la hausse avec les nouvelles recherches effectuées dans un cimetière, en 2019, qui ont mené à la découverte de fosses communes et la découverte, ce vendredi 2 août, d'une quarantaine de tombes. 

Déjà un procès pour demander réparation en 2020

À ce jour, il ne reste que deux survivantes du massacre de Tulsa : Viola Fletcher, 110 ans et Lessie Benningfield, 109 ans. La première avait 7 ans au moment des faits. Dans un entretien accordé au média américain CNN, en 2021, elle dit se rappeler "des gens tués et des maisons, écoles, églises en train de brûler." Elle a dû fuir son quartier avec sa famille et n'a pas poursuivi ses études après l'école primaire.

En 2020, avec Lessie Benningfield et un autre survivant, maintenant décédé, elle a réclamé un dédommagement à l'État d'Oklahoma et la ville de Tulsa. La Cour suprême d'Oklahoma classera l'affaire, le 12 juin 2024. 

Dans les années 20, Tulsa est considérée comme une ville moderne et vivante, en particulier le quartier de Greenwood, où un grand nombre d'afro-américains sont venus s'installer pour y vivre et créer des commerces. Avec ses écoles, ses hôtels, son hôpital, et la diversité des commerces présent, le quartier est surnommé "Black Wall Street." Mais tout cela sera réduit à neant, un jour de juin 1921. 

Un épisode longtemps passé sous silence

Tulsa, 30 mai 1921. Dans cette ville de l'État de l'Okhlahoma, situé au centre-sud des États-Unis, la ségrégation raciale est appliquée. Dick Rowland, un cireur de chaussures afro-américain de 19 ans, se rend dans un immeuble et prend l'ascenseur pour accéder aux seules toilettes du quartier réservées aux Noirs.

Mais ce qui se passera ensuite restera un mystère et alimentera les rumeurs. Un clerc entend les cris d'une liftière blanche de 17 ans, appelée Sarah Page et voit le jeune cireur de chaussures sortir du bâtiment en courant. À la police, le témoin dira que Dick Rowland a essayé d'abuser de Sarah Page. Une autre version révèle que le jeune homme a trébuché et attrapé le bras de la jeune fille. 

Dick Rowland est arrêté le lendemain et le motif de son arrestation fait le tour de la ville. Un article du Tulsa  Tribune, publié l'après-midi mettra le feu aux poudres.

Le papier raconte que Dick Rowland a tenté de violer Sarah Page. Une autre rumeur se répand : des suprémacistes blancs prévoient de lyncher le jeune afro-américain. 

Un groupe de manifestants blancs (près d'un millier de personnes) se rassemble devant le tribunal local. Ils sont rejoints par un groupe d'hommes noirs. Dans chaque camps, certains sont venus armés. La situation dégénère et des coups de feu retentissent. Le groupe d'afro-américains se replie dans le quartier de Greenwood. 

La  nuit du 1er juin 1921, commerces et habitations sont incendiés. Cela continuera jusqu'au petit matin, avec des pillages et des tueries, jusqu'à ce que la Garde nationale intervienne.

En ce laps de temps, le quartier sera en grande partie rasé : plus de 1000 maisons seront incendiées, près de 10 000 personnes se retrouveront sans habitations et 6 000 personnes seront détenus dans des camps d'internement. Si certains restaient emprisonnés d'autres ont été forcés de travailler gratuitement pour la Ville et de nettoyer le quartier de Greenwood. Les auteurs des incendies et des violences ne seront jamais condamnés. 

Cet épisode, longtemps passé sous silence, devient d'actualité en 1997 après la création d'une commision d'enquête par l'État fédéral de l'Oklahoma. Elle devait mener des recherches sur les événements qui ont précédé et suivi l'émeute raciale. Les conclusions seront réunies dans un rapport publié en 2001.

Il a de nouveau était mis en lumière dans les séries comme Watchmen et Lovecraft Country, puis après la visite à Tulsa de Joe Biden en 2021 pour commémorer les 100 ans du massacre.