Ils sont centrafricains, nés en Centrafrique, n'ont connu que ce pays où ils ont construit leur vie: musulmans, ils sont menacés de mort dans leur ville ou village et n'ont plus pour seul espoir qu'un exil, qui leur est refusé.
Sur la base aérienne désaffectée de Bangui, ils sont entre 3.500 et 4.000, la plupart centrafricains, arrivés mercredi du nord-ouest dans un convoi escorté par des militaires tchadiens.Il y a une semaine, ils étaient seulement quelques centaines, musulmans de pays voisins.
Dans un entrepôt de la base où des carcasses d'hélicoptères servent d'étendoirs à linge, l'Office des migrations internationales (OMI) enregistre les déplacés en quête d'exil.D'énormes camions militaires tchadiens sont stationnés dans l'attente d'un prochain départ.
"Aujourd'hui, la grande majorité des personnes qui sont ici sont des Centrafricains", explique à l'AFP Jan de Wilde, chef du bureau de l'OMI à Bangui: "le centre de transit se transforme en centre de déplacés".
Mais, insiste-t-il, les Centrafricains ne sont pas évacués, ni par l'OMI, ni par les Tchadiens, seulement les étrangers.
A l'ombre de grands acacias, femmes et vieillards attendent, allongés sur des valises, une natte, ou à même le sol.Les enfants vont et viennent entre épaves d'hélicoptères russes et de bi-moteurs rouillés.Les hommes font la queue dans le cagnard sur le tarmac, dans l'attente d'un laissez-passer qui leur permettrait d'espérer quitter le pays.
Moumine ne veut pas aller au Tchad.A 16 ans, cet adolescent frêle originaire de Boali (90 km au nord de Bangui) dit n'avoir ni papier d'identité, ni argent: "ma mère et mes frères sont au Tchad déjà mais moi, je veux aller au Cameroun.On m'a dit que pour le Cameroun, c'était gratuit, pour le Tchad on me demande 11.000 FCFA (17 euros)".
Le Tchad comme le Cameroun n'évacuent que leurs ressortissants ou alors, dit un agent de l'ambassade du Cameroun, "ceux qui sont sans papiers mais ont des explications.Ils doivent pouvoir justifier leur origine camerounaise".
Depuis début décembre, 31.500 étrangers ont été évacués du pays et plus de 86.000 Centrafricains ont trouvé refuge dans les pays voisins, fuyant en majorité par la route.
"Chicotte tchadienne"
Moumine ne voulait pas partir de sa ville."On vivait autour de l'église de Boali où l'abbé nous protégeait.Mais quand les navettes tchadiennes sont arrivées mardi, tout a dégénéré.Un soldat tchadien a été blessé par un (milicien chrétien) anti-balaka et toute la nuit, les Tchadiens ont tiré à travers la ville.Au matin, on a embarqué dans les camions, les anti-balaka nous tiraient dessus".
Mohamed, parti de Yaloké, un peu plus au nord, était dans ce même convoi avec ses deux épouses et ses cinq enfants.Il explique que les attaques ont commencé à Bossembélé (150 km au nord ouest de Bangui) et ont repris à la sortie de Boali.
Les anti-balaka "ont tiré sur nous, deux officiers tchadiens, un lieutenant et un colonel, ont été tués et trois civils", affirme-t-il.Mohamed ne sait pas ce qui l'attend au Tchad qu'il ne connaît pas."Je suis né à Yaloké, je suis centrafricain," explique ce commerçant de 43 ans qui a tout perdu.
"On va à N'djamena, je ne connais personne.Au Tchad, je serai un réfugié", dit Mohamed, qui ne sait pas encore que sa demande d'évacuation va être refusée.
Assis sur un fauteuil sous une aile d'avion, un homme en costume noir, cravate et lunettes sombres, questionne en arabe les candidats au départ.Sollicité par l'AFP, il refuse de préciser son identité ou sa fonction.
Dans la file, des jeunes gens s'énervent.L'homme en costume se lève brusquement, attrape un bâton et se rue sur eux pour les frapper."C'est l'ambassadeur du Tchad.Avec eux, c'est toujours la chicote!", confie un homme à voix basse.
Djouma Jacob vit sur le camp depuis déjà six jours.A 54 ans, cet ancien chauffeur d'une entreprise française attend avec huit membres de sa famille après avoir déjà passé cinq semaines réfugié à la Grande Mosquée de Bangui.
"Avant, on habitait à PK5 (un quartier musulman de Bangui) mais ce n'était plus possible; ma maison a été brûlée, toutes nos affaires pillées, nous n'avons plus rien.Les anti-balaka ont même pris les briques des maisons pour les vendre", dit-il.M. Jacob espère un laissez-passer parce que son père était tchadien: "S'il le faut, on partira à pied!"
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.