A Durban, les cimetières saturent et les esprits s'échauffent

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DURBAN (Afrique du Sud) (AFP)

Deux corps dans une même tombe?Un blasphème pour les croyances zouloues qui vénèrent les esprits des ancêtres.Pourtant, la ville sud-africaine de Durban lance un projet pilote de recyclage des sépultures pour pallier le manque de place dans ses cimetières.

"Nous n'avons pas le choix.Ce n'est pas seulement une question de place mais aussi de durabilité des infrastructures", explique Pepe Dass, chargé des cimetières à la municipalité de Durban (sud-est).

Depuis quelques années, la mortalité a explosé dans la province du KwaZulu Natal, la plus frappée par le sida.Les cimetières du centre-ville, réservés aux Blancs sous l'apartheid, sont également congestionnés depuis qu'ils se sont ouverts aux Noirs en 1994.

Pour enterrer ses 20.000 morts annuels, la ville portuaire devrait créer plusieurs cimetières à 20 millions de rands (2 millions d'euros) chacun.Un coût trop élevé, selon M. Dass.Mais, relève-t-il, "nous ne pouvons pas empêcher les gens de mourir".

Un programme de recyclage des tombes vient donc d'être lancé sur un site pilote.A terme, les sépultures des 60 cimetières de la ville seront réutilisées.Les ossements de plus de dix ans seront déplacés ou enterrés plus profond.Des nouveaux morts reposeront au dessus des anciens.

"C'est une mauvaise idée, très mauvaise", tonne Thandi, 63 ans, qui se recueille sur la tombe de son époux au cimetière de Stella Wood, le plus grand de la ville et déjà saturé."Si quelqu'un décide de recycler la tombe de mon mari?Je m'y opposerai.Pas question !"

Au coeur de la région zouloue, sa colère est partagée."Les gens communiquent avec les esprits.Ils veulent que rien n'interfère dans leur relation avec les ancêtres", explique Sihawu Ngubane, professeur de culture zouloue à l'université de Durban.

En cas de manquement aux rites mortuaires, la croyance veut que la malchance s'abatte sur les proches du défunt.Et comment bien honorer un mort s'il partage son lieu de repos ?

"Selon ces rites, si on recycle les tombes, il peut y avoir une confusion entre les esprits des ancêtres enterrés.Il peut y avoir des bagarres.Les ancêtres peuvent se révolter contre les vivants", poursuit le professeur.

Malgré tout, la mairie persévère.Si rien n'est fait, dit-elle, la saturation totale des cimetières sera atteinte d'ici deux ans dans cette agglomération de près de 4 millions d'habitants coincée entre l'Océan indien et les collines du Zoulouland.

L'espace ne semble pourtant pas manquer à Durban, mais les propriétaires de terrains ont d'autres ambitions pour leurs biens."Entre l'espace agricole et les programmes de développement, le choix est restreint.Trouver l'espace idéal pour un cimetière n'est pas facile", poursuit Pepe Dass.

Sans compter les particularités géologiques de la côte est de l'Afrique du Sud, dont les sous-sols regorgent d'une eau qui pourrait être contaminée par la décomposition des corps.

En attendant, le problème ravit les vendeurs de tombes illégales.Certains gardiens de cimetières revendent des sépultures abandonnées, d'autres dénichent des espaces pour les morts en dehors des zones dédiées.

D'autres encore se sont spécialisés dans le vol de pierre tombale, chère dans une Afrique du Sud où 43% de la population vit avec moins de deux dollars par jour.Si bien que, depuis peu, barbelés et clôtures électriques se sont élevés autour des cimetières et de leurs morts.

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