A Madagascar, où plus d'un tiers des femmes tombent enceintes avant 20 ans, de jeunes mamans souvent livrées à elles-mêmes trouvent du réconfort dans le slam, qui leur permet de mettre des mots sur leur détresse et de briser des tabous.
Dans une salle de classe à Antananarivo, des filles-mères assises sur des chaises d'enfants jettent sur leur cahier les réflexions qui les ont blessées quand leur vie a basculé.
Debout devant le tableau noir, Caylah, une slameuse malgache engagée, longs cheveux bruns retenus dans un foulard aux couleurs chatoyantes, les recueille et les met en rime.
"J'ai été trahie par mon amour / Et je suis tombée enceinte / Il m'a donné tant de promesses / Qu'il va me respecter et ne pas me saboter / Personne n'a pu deviner / Que tout cela n'est que parole en l'air, qui ne vient pas du coeur / Et maintenant je suis devenue une maman, une dame".
Un résumé du douloureux parcours de Nanjarah Fenonirina Razafindrakoto, qui a mis au monde à seulement 16 ans une petite fille.Mère et enfant vivent aujourd'hui dans une minuscule pièce à Antananarivo.
Les mères célibataires restent un sujet extrêmement tabou sur la Grande Ile."Dans la société malgache, donner naissance à un enfant sans avoir un mari est une honte", explique Ranaivo Feno Hanitriniaina, l'une des responsables de l'association Aina, à l'origine de l'atelier slam.
Les jeunes mères ne disposent d'aucune aide gouvernementale à Madagascar.Seule une poignée d'associations, dont Aina, leur apportent du réconfort.
Pour lutter contre les grossesses précoces, des organisations mènent des campagnes de sensibilisation en encourageant notamment l'utilisation des préservatifs, une pratique cependant contestée par l'Eglise catholique, très influente sur la Grande Ile.
"J'habitais avec mon copain.Quand il a appris que j'étais enceinte, il m'a quittée", poursuit Nanjarah."Ce qui me préoccupe le plus est de trouver l'argent pour vivre alors que je suis toujours en formation" dans le secteur agricole, explique-t-elle en berçant sa petite fille.
"J'étais enceinte, enceinte / Je ne pouvais pas le cacher / Qui devrait avoir honte ? / Toi ou moi ? / Je transpire comme de l'huile", slame-t-elle devant des jeunes mères de l'atelier, qui saluent son courage par des applaudissements.
Maria Lalao Nirina est plus chanceuse.Son compagnon ne l'a pas abandonnée quand elle a accouché d'une petite fille Williane.En revanche, sa famille ne lui adresse plus la parole.
"Tout le monde me jette des mauvais regards parce que je suis tombée enceinte très jeune", confie Maria, les yeux tristes. "J'aime le slam", poursuit-elle."Cela développe mon esprit et guérit les douleurs dans mon coeur".
- 'Fardeau de la honte' -
Une fois par semaine, Caylah - qui a fait le buzz cette année, sur internet avec un premier clip très critique envers le gouvernement malgache - aide des jeunes mères à s'exprimer grâce au slam.
"Le mauvais regard de la société sur les mamans précoces entraînent un repli de ces filles sur elles-mêmes", constate cette artiste de 22 ans, convaincue que "le slam peut aider les mères mineures à s'ouvrir, s'exprimer, s'accepter soi-même, ne pas baisser les bras et avoir confiance en leur avenir".
En trois séances, les adolescentes parlent de leur première rencontre avec le père de leur enfant, la grossesse et la réaction de leurs proches à l'annonce de leur maternité.
Comme le résume l'un des textes écrits par les jeunes mamans lors de l'atelier "slamothérapie"."Un jouet pour les mecs et dénoué de toute dignité / Qui a ouvert ses cuisses un peu trop tôt / Qui veut partir alors que personne ne lui a donné une bague / Une maman précoce / Et c'est nous qui portons le fardeau de la honte".
Une honte dont les mères, mais aussi leurs jeunes enfants, sont victimes.Dans la salle de classe, Miora Anna Fanantenana Randriambololona, 17 ans et mère d'une petite fille qu'elle élève seule, fait un terrible aveu: "Des fois, je n'ai pas envie de regarder mon enfant".
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