Alerter, dénoncer ou discuter?Un dilemme pour les ONG qui, travaillant sur les terrains de guerre avec les populations civiles et les armées, sont parfois confrontées aux exactions de certains militaires.Dans le cas des soldats français accusés d'avoir violé des enfants en Centrafrique, beaucoup assurent n'avoir rien su.
"On fait des rapports, on collecte des témoignages, on croise les informations, et on alerte qui de droit : soit les forces sur place, soit les Nations unies si elles dirigent les opérations", déclare Aymeric Elluin, chargé de campagne Armes et impunité à Amnesty International France.
"Parfois on est confronté à des réactions qu'on pourrait attendre plus positives, et là, on doit continuer notre travail de pression", explique-t-il, disant avoir eu vent "l'année dernière" d'une "rumeur d'enquête conduite par les Nations unies - qui travaillaient en toute discrétion - concernant les soldats français".
L'Unicef, qui a pris part à l'enquête onusienne et a interrogé les enfants qui s'étaient plaints d'abus sexuels, les a effectivement "confiés à des ONG partenaires présentes sur le terrain pour qu'ils puissent recevoir un soutien psychologique", selon le porte-parole de l'Unicef basé à Dakar, Thierry Delvigne-Jean.Il assure n'avoir reçu "aucune instruction" visant à passer sous silence ou dissimuler l'affaire.
A Médecins du Monde (MDM), on se veut très vigilant sur la séparation entre actions militaires et actions humanitaires : "on tient à ce qu'il y ait une indépendance totale, que la population fasse la différence.Sinon, on met en cause la sécurité de travail de nos équipes", explique Gilbert Potier, le directeur des opérations internationales.
Reconnaissant que "dans des situations de conflit, il y a des +bavures+, des actions qui dépassent largement l'autorité d'une armée", il affirme que MDM a mis "au point des procédures médico-légales : lorsqu'on soupçonne des violences, on établit un certificat selon certains critères obligatoires, certificat que la victime pourra faire valoir lorsqu'elle va aller en justice".
- "Vrais blocages" -
La Croix-Rouge privilégie également le dialogue "avec toutes les personnes sur place, populations civiles et armées".
"S'ils sont témoins d'une exaction, nos délégués sur le terrain vont d'abord en parler avec les hiérarchies", affirme Jean-Yves Clemenzo, porte-parole pour l'Afrique du Comité International de la Croix-Rouge (CICR), insistant sur le caractère "confidentiel" de cette discussion.
Priorité est donnée au "travail de sensibilisation des armées, en particulier les hiérarchies, au droit international humanitaire et au droit de la guerre"."C'est notre façon de travailler, certaines organisations sont plus dans la dénonciation", souligne-t-il.
La Fédération internationale des ligues des Droits de l'Homme (FIDH), elle, se plaint de la volonté fréquente des Nations unies d'enterrer les dossiers compromettants."Qu'il arrive aux Nations unies d'étouffer des situations ? Oui c'est un vrai problème, et c'est récurrent!", s'emporte Florent Geel, responsable du bureau Afrique à la FIDH.
"Il y a ce problème de faire remonter les informations, d'éviter de dénoncer certains crimes pour éviter de gêner les négociations de paix", continue-t-il, évoquant de "vrais blocages".
A l'origine des révélations d'accusations d'abus sexuels sur des enfants commis par des soldats en Centrafrique, un fonctionnaire de l'ONU qui a transmis en juillet un rapport aux autorités françaises, devant l'inaction des Nations unies.Ce responsable onusien a été suspendu le 17 avril et fait depuis l'objet d'une enquête de l'organisation internationale.
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