Les Sud-Africains espéraient que les images de policiers tirant dans une foule appartenaient à un passé révolu.Jusqu'au terrible massacre de Marikana le 16 août 2012, qui a déclenché l'ouverture d'une longue commission d'enquête qui clôt ses travaux vendredi.
Le rapport de la commission n'est pas attendu avant mars, mais plus de deux ans après la fusillade, pire bavure policière depuis la fin du régime raciste d'apartheid il y a vingt ans, les passions ne sont toujours pas retombées.
Trente-quatre mineurs en grève illégale à la mine de platine de Marikana, en rupture avec leurs représentants syndicaux et mécontents de leurs salaires, ont été abattus par la police anti-émeute, et plus de 70 autres blessés.
le drame avait non seulement exacerbé la grève dans le secteur clé des mines, mais aussi durablement terni l'image de l'Afrique du Sud démocratique.A ce jour, aucun responsable de la police n'a été sanctionné ou jugé.
Pour faire toute la lumière, la commission a siégé 300 jours, entendu une soixantaine de témoins, et compilé 40.000 pages de minutes de procédure.
De bout en bout, les avocats de la police ont plaidé la légitime défense, notant que les grévistes étaient armés de machettes."S'armer contre les représentants de l'autorité devrait susciter une large indignation", ont-ils souligné jeudi, avant-dernier jour des auditions.
Dans les jours précédents le massacre, la grève sauvage avait fait dix morts, dont deux policiers déchiquetés à la machette.
La commission d'enquête a pourtant pu démontrer plusieurs éléments à charge contre la police: une planification négligente, improvisée sous le coup d'interférences politiques, et une "tentative délibérée d'induire en erreur" le travail d'enquête, selon les avocats de la commission.
La commission a aussi établi que la fusillade principale, filmée à l'époque par toutes les télévisions, en cachait une autre, la scène 2 lorsque les mineurs ont fui, pourchassés par des policiers livrés à eux-mêmes: 17 grévistes ont été tués durant cette poursuite.
Alors que la mise en examen pour meurtre a été demandée par certains avocats à l'encontre de la chef de la police Riah Phiyega et de son ministre Nathi Mthethwa, les avocats de la police ont rejeté la faute sur Lonmin, la société minière.
Lonmin en accusation
Lonmin a été critiquée durant toute l'enquête pour son refus d'ouvrir la négociation avec les grévistes, alors que la violence allait croissante.La police s'est aussi plainte qu'on ait fait appel à elle alors que "ce n'était pas propice à de bonnes relations sociales".
"En menaçant de licenciement les employés qui ne venaient pas au travail durant la grève illégale, Lonmin a été négligent et mis en danger ses salariés non grévistes", ont aussi accusé les avocats de la police.
En gros, "on reproche à Lonmin d'avoir agi dans le cadre de la légalité", ont rétorqué les avocats de la compagnie minière, cotée à Londres.
L'avocat des familles Dali Mpofu a lui concentré ses attaques contre le vice-président sud-africain Cyril Ramaphosa, à l'époque membre du conseil d'administration de Lonmin.
Alors que la grève dégénérait, M. Ramaphosa avait contacté les ministres de la Police et des Mines et plaidé pour que la police intervienne.
"Si vous ne poursuivez pas M. Ramaphosa, ce n'est pas la peine de poursuivre quiconque", a lancé M. Mpofu."On ne peut avoir une situation où la source de la pression politique, la personne qui a déclenché tout l'enchaînement conduisant au massacre, n'est pas poursuivi".
M. Ramaphosa s'est défendu durant la commission en expliquant avoir seulement voulu prévenir davantage de violences.
Le 17 août 2012, le président Jacob Zuma avait immédiatement ordonné l'ouverture d'une commission d'enquête et promis des conclusions pour janvier 2013.
Une même question taraudait alors tous les Sud-Africains, résumée par l'écrivaine et ancienne compagne de lutte de l'ANC, Nadine Gordimer: "Je ne comprends pas pourquoi (...) les policiers n'ont pas des méthodes sophistiquées, plus compétentes pour faire face à une foule qui devient violente que de prendre leur arme et tirer dans le tas".
Décédée en juillet, la "conscience de la littérature sud-africaine" ne connaîtra jamais les conclusions de la commission, attendues en mars 2015.
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