Le quadriréacteur vire sur l'aile, évite les lignes à haute tension et se pose lourdement sur une portion de route, en plein désert rebelle, dans le djebel Nefoussa au sud-ouest de Tripoli.
Depuis trois semaines, la rébellion libyenne a ouvert, en improvisant un aérodrome sur une voie rectiligne près du village d'Al Ruhaybat, une ligne régulière, une à deux fois par jour, entre sa capitale Benghazi (est) et la montagne depuis laquelle les insurgés menacent chaque jour davantage Tripoli.
Le jet BAe 146-300 de 112 places, frappé sur l'empenage des lettres "Air Libya", bénéficie d'une autorisation de vol des forces de l'Otan, qui appliquent une interdiction de décoller à tous les appareils du colonel Kadhafi, après en avoir détruit la plupart.
Sadek Dehan, 55 ans, est l'un des premiers à descendre l'échelle de coupée rudimentaire, apportée par un pick-up rebelle."Nous avons volé dans le ciel d'un pays libre", dit-il."C'est une sensation magnifique ! Kadhafi ne pourra plus jamais voler dans ce ciel, il est comme un rat, comme un serpent collé au sol".
"Ici, dans le djebel Nefoussa, le ciel nous appartient.Dans tout le pays, les cieux sont à nous.C'est un sentiment merveilleux.Je viens de Benghazi pour prendre des nouvelles de mes trois fils, qui se battent dans la région.Je ne sais pas s'ils sont toujours vivants...Mais je sais que la liberté est au bout".
De grandes flèches jaunes ont été peintes sur la chaussée, des bandes blanches marquent les points d'atterrissage.Une quarantaine de traces de pneus d'avions témoignent d'autant d'arrivées de l'appareil, depuis le début de juillet.Une manche à air bricolée flotte au vent.
Un petit panneau de bois symbolise cet aéroport, le plus récent et l'un des plus sommaires du monde: "Aéroport d'Al Ruhaybat - Djebel Nefoussa - Bienvenue", en arabe, anglais et amazigh (berbère).Le seul équipement est une cabane de chantier ouverte au vent du désert.
Pour le pilote, qui refuse de révéler son identité, ce n'est certes pas un atterrissage facile, à cause notamment des lignes électriques toutes proches, "mais j'ai l'habitude.Il faut redresser au dernier moment", dit-il."J'ai piloté cet appareil pendant des années, pour les compagnies pétrolières dans le pays".Il sourit: "Je sais me poser n'importe où".
Quelques dizaines de personnes descendent et récupèrent leurs bagages.Une centaine d'autres -tous des hommes à part trois femmes, tenues à l'écart- attendent d'embarquer.
Avant qu'elles puissent le faire, les combattants déchargent dans des pick-up et des camions plateaux de lourdes caisses de munitions: balles, grenades à mains, roquettes.Les soldats sont plus nerveux, éloignent les journalistes.
Plus d'une heure avant l'atterrissage, les hommes du commandant Saad (il ne donne que son prénom) ont sécurisé les abords, se préparant à couper la circulation."Ce n'est pas régulier, nous sommes prévenus juste avant", dit-il."Les avions viennent de Benghazi, mais aussi d'autres endroits, je ne sais pas.C'est secret".
Pour des atterrissages de nuit, d'appareils voulant évoluer sans témoins, un système sommaire de balisage de la piste a été mis en place: des lampes à haute intensité, fixées sur des pieux en bois peints en jaune et alimentés par de longs câbles électriques.
Tous les passagers interrogés par l'AFP assurent n'avoir pas payé leur passage: selon eux, il faut pour avoir une place en faire la demande au comité des affaires civiles de sa ville et avoir une bonne raison pour faire le voyage.C'est alors gratuit.Sadek Dehan assure avoir contacté directement le bureau d'Air Libya, à l'aéroport de Benghazi, deux jours avant son vol.
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