Le président algérien Abdelaziz Bouteflika a été réélu par 81,53% des voix pour un 4e mandat, malgré ses ennuis de santé, à l'issue d'un scrutin boudé par la moitié des électeurs et contesté par son principal rival.
Jeudi, c'est en fauteuil roulant, aidé par un homme qui l'a accompagné jusque dans l'isoloir, que M. Bouteflika a voté au bureau de vote de l'école d'El Biar, où il est arrivé entouré de ses frères, dont Saïd, à qui l'on prête d'immenses pouvoirs.
Le résultat a été annoncé vendredi après-midi lors d'une conférence de presse par le ministre de l'Intérieur Tayeb Bélaïz.Il doit être confirmé par le Conseil constitutionnel, qui a un délai maximum de 10 jours pour examiner les éventuels recours.
Arrivé 2e avec 12,18% des voix, Ali Benflis a déclaré vendredi soir qu'il ne reconnaissait pas la victoire de M. Bouteflika, en dénonçant une élection "planifiée et préparée par une alliance entre la fraude, de l'argent suspect et des médias vendus".
Le ministre de l'Intérieur a cependant assuré que le peuple avait "choisi en toute liberté dans un climat de transparence et de neutralité".Selon lui, le peuple algérien a choisi M. Bouteflika "en reconnaissance de ce qu'il a fait pour lui avant et après l'indépendance" en 1962.
A 77 ans et après quinze ans de pouvoir, M. Bouteflika doit maintenant donner du contenu à sa promesse d'une "République rénovée" et engager des réformes économiques qui doivent rendre son pays moins dépendant du pétrole.
Il doit normalement s'atteler dès cette année à une révision de la Constitution dans le sens d'un "renforcement des libertés collectives et individuelles, des pouvoirs du Parlement et de ceux du Premier ministre", a expliqué récemment à l'AFP son directeur de campagne, Abdelmalek Sellal.
Selon lui, M. Bouteflika va enfin "donner le pouvoir à la génération de l'indépendance" dans ce pays de près de 40 millions d'habitants, jeunes dans leur écrasante majorité, et dont les principaux dirigeants sont pour beaucoup septuagénaires.
- Consolidation du statu-quo -
Mais, observe le politologue Rachid Tlemçani, "la reconduction de Bouteflika va consacrer la consolidation du statu-quo".
"Sa réélection ouvrira la voie à une période d'instabilité qui sera marquée notamment par une grogne sociale qui va s'accentuer" car "le pouvoir incarné par Bouteflika ne sera plus en mesure d'acheter la paix sociale, comme il l'a fait durant les trois précédents mandats, en raison de d'une probable baisse des revenus pétroliers du pays", estime-t-il.
La candidature de M. Bouteflika à un quatrième mandat a été longue à se dessiner.Le 8 mai 2012, lors sa dernière apparition publique jusqu'à son passage jeudi au bureau de vote, il avait affirmé que sa génération avait "fait son temps", laissant croire à une succession ouverte.
Son hospitalisation de près de trois mois au Val-de-Grâce à Paris après un AVC il y a un an a renforcé cette hypothèse.Rentré à Alger, il a effectué un important remaniement du gouvernement, plaçant ses proches aux postes-clés, et a effectué des changements importants au sein de l'armée, qui joue un rôle politique majeur dans le pays.
Le 22 février, il a finalement annoncé sa candidature après ce que la presse a présenté comme une lutte au sommet de l'Etat, soutenant que les principaux dirigeants de l'armée n'étaient pas tous favorables à un quatrième mandat, en raison de l'état de santé du président.
Mais dès lors, sa réélection ne faisait quasiment pas de doute dans un pays encore marqué par la décennie noire des années 1990.Son équipe a d'ailleurs mené campagne sur le thème de la "stabilité", attisant les peurs.
Avant même l'annonce officielle des résultats, la presse, dont une partie avait pronostiqué une compétition serrée avec M. Benflis, avait annoncé la victoire.
"Un quatrième mandat pour Bouteflika", titrait dès vendredi matin le quotidien El Khabar, illustré d'une photo du président en fauteuil roulant.
"Bouteflika président majoritaire", écrivait Ach-Chouroq en estimant que les Algériens avaient "voté pour la sécurité et la stabilité".El Watan regrettait de son côté "le chantage à la peur" et un "scrutin de l'absurde".
Le taux de participation s'est en effet établi à 51,7%, en net recul par rapport à celui de 2009, annoncé à 74% par les autorités même si un câble diplomatique américain révélé par Wikileaks l'avait située entre 25 et 30%.
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