D'où ont été tirés les missiles qui ont abattu à Kigali l'avion du président rwandais Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994 et par qui?Les conclusions de l'expertise judiciaire qui seront présentées mardi aux parties pourraient être cruciales pour l'aboutissement de l'enquête.
En avril 2010, les juges antiterroristes Marc Trévidic et Nathalie Poux désignent cinq experts, géomètre, balistique, explosifs et incendie, rejoints plus tard par un acousticien, pour déterminer les lieux possibles des tirs ayant abattu l'avion présidentiel, considéré comme l'acte déclencheur du génocide rwandais.
Vingt mois plus tard et après un déplacement au Rwanda en septembre 2010 pour essayer de reconstituer les conditions de l'attentat, juges et experts vont dévoiler mardi après-midi leurs conclusions aux parties concernées par l'enquête.
La connaissance du lieu de tir des missiles pourrait être déterminante pour identifier les tireurs.Deux thèses s'affrontent jusque-là.
L'enquête du juge Jean-Louis Bruguière a désigné en 2006 un commando du Front patriotique rwandais (FPR), la rébellion tutsi dirigée en 1994 par l'actuel président Paul Kagame, provoquant la rupture par Kigali des relations diplomatiques avec la France.
Selon ces investigations, les hommes du FPR se seraient infiltrés depuis le parlement rwandais à travers le dispositif des Forces armées rwandaises (FAR, loyalistes) sur la colline de Massaka, qui surplombe l'aéroport à l'est de la piste.
A l'inverse, un rapport d'enquête rwandais affirme que les tirs sont partis depuis le camp militaire de Kanombe, importante base des FAR, jouxtant l'aéroport et la résidence présidentielle au sud-est, où il est "impossible d'imaginer" que le FPR ait pu s'infiltrer.
Trajectoire du Falcon 50
La thèse rwandaise impute la responsabilité de l'attentat aux extrémistes hutu des FAR, qui auraient voulu se débarrasser du président Habyarimana, jugé trop modéré, pour faciliter un coup d'Etat.
Dans l'enquête française, six proches du président Kagame ont été mis en examen en décembre 2010.Ils étaient visés depuis 2006 par des mandats d'arrêt qui ont été levés.Rose Kabuye, autre proche de Paul Kagame, est elle mise en examen depuis novembre 2008.
Aux experts, les juges ont demandé de reconstituer la trajectoire du Falcon 50 présidentiel, d'évaluer sa position au moment où il a été touché, de déterminer le type de missile utilisé, mais également les modes opératoires possibles, et de confronter le tout avec les témoignages et données topographiques.
Les conseils des différentes parties attendent de ces conclusions qu'elles confirment leur thèse.
"Nous sommes confiants dans l'évolution du dossier car il est établi, selon nous, que toutes les bases sur lesquelles il repose ont été remises en question, en particulier grâce à nos demandes d'actes", estiment les avocats des mis en examen, Mes Bernard Maingain et Léon-Lef Forster.
Pour eux, les travaux réalisés par les juges ayant succédé à Jean-Louis Bruguière ont profondement réorienté l'enquête.
Sur l'origine des tirs, "que ce soit Massaka ou Kanombe, la mise en cause du FPR est inimaginable vu l'état du dossier", ont-ils affirmé à l'AFP.
Du côté des parties civiles, l'avocat de la veuve du président rwandais Agathe Habyarimana, Me Philippe Meilhac, estime qu'"une expertise d'une telle ampleur est source de beaucoup d'espoir dans ce dossier où sept personnes sont mises en examen".
Pour Me Emmanuel Bidanda, conseil d'une victime française, ces conclusions seront "une pièce utile et extrêmement importante", mais "il serait étonnant d'en attendre une révolution à 180 degrés de l'enquête".
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