Au Cameroun, des villes sont paralysées par la fermeture de la frontière nigériane

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FOTOKOL (Cameroun) (AFP) - (AFP)

Quatre changeurs somnolent sur des nattes couvrant le sol d'un hangar: à Fotokol, ville camerounaise frontalière du Nigeria, l'activité tourne au ralenti depuis la fermeture de la frontière en raison des violences à caractère religieux chez le grand voisin de l'ouest.

Le 31 décembre, le président nigérian Goodluck Jonathan a déclaré l'état d'urgence dans des régions frappées par les attentats du groupe islamiste Boko Haram et ordonné la fermeture des frontières avec les pays limitrophes des zones touchées : Niger, Cameroun et Tchad.

"Je dors parce qu'il n'y a pas de transactions depuis que la frontière du Nigeria est fermée", affirme Yaya Adoum, un des changeurs de Fotokol, ville située à environ 100 km de Maiduguri, fief de Boko Haram au Nigeria.

Le sac qui lui sert d'oreiller contient des liasses de nairas, la monnaie nigériane.

"Avant la fermeture de la frontière, Camerounais et Tchadiens changeaient leurs francs CFA en nairas pour leurs achats au Nigeria.Je faisais des transactions d'environ 3 millions de FCFA (4.580 euros) par jour.Actuellement, j'atteins difficilement 50.000 FCFA (76 euros)", se désole-t-il.

Quelques mètres seulement séparent le marché parallèle de change du pont sur l'Elbeid, qui matérialise la frontière avec la ville de Gamboru où l'on aperçoit des camions chargés de marchandises stationnés à proximité du drapeau nigérian.

"Ce sont des camions en provenance du Nigeria et du Bénin qui devaient transiter par Fotokol" avant de rallier le Tchad, explique un officier de la police camerounaise.

Arrondissement peuplé d'environ 70.000 personnes, Fotokol dépend presque entièrement du Nigeria.Toutes les transactions commerciales s'y font en nairas.Ses populations se soignent et font l'essentiel de leurs courses à Gamboru.

chute des recettes douanières

Même le pétrole qui sert à s'éclairer en absence d'électrification s'achète au Nigeria voisin.

La ville camerounaise tourne grâce à l'intense activité de transport de voyageurs et de marchandises qui s'y déroule en temps normal.

"Avant la fermeture de la frontière, il y avait un ballet incessant de voitures en provenance du Nigeria" mais aussi de motos-taxis, souligne l'officier de police pointant une route déserte.

Mais depuis, "la ville est paralysée", renchérit son sous-préfet, Bouba Daïrou.

Les recettes douanières ont chuté de plus de "90%", selon un agent des douanes.

"Pratiquement plus personne ne vient manger ici alors que nous étions souvent débordés", indique une restauratrice."Mes ventes ont diminué de près de 95%", souligne un vendeur de pain et de fruits venus du Nigeria.

A la gare routière, certains conducteurs de motos sont assis sur leurs engins tandis que d'autres sont parquées, leurs propriétaires ayant choisi de rester chez eux, faute d'activité.

Dès qu'un taxi-brousse en provenance de Kousseri, la grande ville du département, se gare, des conducteurs de motos se précipitent dans l'espoir de trouver un client souhaitant se rendre à Gamboru par une piste clandestine.

"Je faisais au moins 10 navettes par jour, entre Fotokol et Gamboru.Maintenant, je ne parviens pas à faire un tour", dit un des conducteurs.

Sans qu'on puisse en recenser leur nombre, des chrétiens de Gamboru se replient à Fotokol lorsqu'ils se sentent menacés par les attaques de Boko Haram, selon des témoignages.

Des militants de la secte trouvent également refuge à Fotokol et les autorités locales camerounaises ont interdit "les prêches faits dans les mosquées par les étrangers (nigérians)", selon M. Daïrou.

"Si la frontière n'a pas rouvert dans une semaine, je vais changer de ville", dit Ramat Moussa, gérant d'un call box (cabine téléphonique de fortune) à Fotokol.

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