Depuis une semaine, six membres d'une unité d'élite de la province de Gaza (sud) comparaissent devant un tribunal de Xai-Xai pour répondre de l'exécution d'un homme qui se piquait de surveiller la bonne marche du scrutin.
Leur procès est inédit.Depuis 2015, plusieurs opposants ou militants de défense des libertés ont été tués, enlevés ou torturés au Mozambique.A chaque fois, les soupçons se sont portés sur les forces de sécurité ou des officines proches du pouvoir.Faute de preuves, la plupart de ces affaires ont été enterrées.
Mais l'an dernier, pour la première fois, les exécuteurs de d'un de ces "contrats" ont été pris la main dans le sac.
A la tête d'un forum d'associations, Anastacio Matavele, 58 ans, a été abattu le 7 octobre 2019 dans les rues de Xai-Xai, au volant de sa voiture, criblée de balles.
L'affaire a basculé lorsque ses agresseurs présumés ont été stoppés dans leur fuite par un accident de la route.Deux d'entre eux ont été tués, deux autres gravement blessés et un cinquième est parvenu à s'échapper.
Dès le lendemain, l'état-major de la police a annoncé que les auteurs de l'attentat sortaient de leurs rangs.
- 'A bout portant' -
Deux autres responsables policiers locaux ont été arrêtés quelques semaines plus tard, ainsi que le propriétaire, un civil, du véhicule accidenté.Le cinquième membre de l'équipe est toujours en fuite.
Depuis une semaine, tous répondent d'homicide volontaire, complot et usage prohibé d'armes à feu.Face à la juge Ana Liquidao, les accusés se sont employés à limiter leur rôle dans l'opération.
Ainsi Edson Silica, 34 ans, le conducteur de la voiture."Quand j'ai placé ma voiture le long de celle de la victime, l'ordre de tir est venu de la banquette arrière", a-t-il témoigné, "Agapito Matavele et Martins Wiliamo ont baissé les vitres et commencé à tirer à bout portant".
"C'est Agapito et Martins qui ont tiré", a confirmé son collègue Euclides Mapulasse, 33 ans.Pratique, le premier, présenté comme le chef du commando, est toujours en fuite et le second est mort dans l'accident.
Le sous-officier Silica s'en souvient bien."Quand j'ai essayé de doubler, j'ai tout de suite compris que j'allais percuter la voiture qui venait en face.J'ai essayé de l'éviter mais j'ai perdu le contrôle".
De sa "cible", Edson Silica croit se souvenir qu'un de ses complices lui avait dit qu'ils allaient "braquer un vieil homme riche".
Les deux hommes n'en ont pas dit plus.Sur la conception et l'exécution de l'opération, ils ont dit avoir obéi à leur chef Matavele, en fuite.
- 'Crime d'Etat' -
Un de leur supérieur, Tudelo Guirugo, 46 ans, n'a guère été plus loquace.L'enquête a montré qu'il avait récupéré les armes du commando après l'opération et qu'il s'était entretenu trois fois avec le chef Matavele en fuite.
Après son arrestation, il a avoué au procureur avoir sélectionné les membres du commando sur ordre du patron de l'unité d'intervention, Alfredo Macuacua.Face à la juge Liquidao, il a changé de version et l'a innocenté."J'étais désespéré, je pensais que je pouvais m'en tirer en l'impliquant", a-t-il dit.
Pour l'heure, la chaîne des responsabilités s'est arrêtée là.Avant le début du procès, des ONG locales ont regretté l'absence des cerveaux de l'assassinat.
"C'est en fait un crime d'Etat car ceux qui sont impliqués sont des officiers de police à des postes de responsabilité", a relevé Adriano Nuvunga, à la tête du Centre pour la démocratie et le développement.
Dans son réquisitoire, le procureur a conclu que "les accusés ont agi de leur propre initiative".
L'assassinat de M. Matavele avait provoqué un vif émoi au Mozambique pendant une campagne électorale émaillée de nombreux incidents violents.
La Commission électorale avait proclamé la victoire du président sortant Filipe Nyusi et de son parti le Frelimo, au pouvoir depuis l'indépendance en 1975.L'opposition, comme de nombreux observateurs, a dénoncé des fraudes massives mais ses recours ont tous été rejetés.
Le procès des meurtriers présumés d'Anastacio Matavele se poursuit mardi, avec le témoignage de sa famille.
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