La présidente du Malawi, Joyce Banda, joue sa survie politique dans une élection présidentielle au résultat incertain mardi, son passage aux affaires depuis deux ans ayant été marqué par des difficultés économiques et un scandale de détournement de fonds publics.
Joyce Banda, 64 ans, était arrivée au pouvoir en avril 2012 à la mort du président Bingu wa Mutharika, qui était alors de plus en plus critiqué pour ses dérives autocratiques. Bien que brouillée avec lui, elle était restée sa vice-présidente et lui a donc succédé sans être élue.
Elle a aussitôt voulu incarner le changement mais son court mandat a été entaché par le détournement de 30 millions de dollars de fonds publics.On aurait pu acheter avec cette somme, selon des ONG locales, les médicaments nécessaires à sept hôpitaux pour un an et creuser 1.625 puits.
Joyce Banda, qui nie toute implication, a réagi par une purge - limitée - au sommet de l'Etat.Mais les bailleurs de fonds, avec qui elle avait recollé les morceaux après la brouille des années Mutharika, ont à nouveau bloqué une partie de leur aide.Or ils financent près de 40% du budget de l'Etat.
Pendant les premiers mois de sa présidence, Joyce Banda avait été couverte d'éloges pour ses efforts en vue de réformer l'économie de ce très pauvre pays d'Afrique australe, souffrant de graves pénuries de devises et de carburant.
Une publicité à la télévision publique MBC montre d'ailleurs la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, la couvrant d'éloges à l'époque.
Mais la cure d'austérité qu'elle a imposée au pays s'est accompagnée d'une forte dévaluation du kwacha, la monnaie nationale, génératrice d'une forte inflation qui a surtout affecté les plus pauvres.Cela pourrait lui coûter bien des suffrages, alors que près de la moitié des 15 millions de Malawites vivent avec moins d'un dollar par jour.
"Un grand nombre de mesures économiques qu'elle a prises, qui ont été encensées par la communauté internationale à bien des égards, ont érodé sa popularité au Malawi", relève Aditi Lalbahadur, chercheur à l'Institut sud-africain des affaires internationales (SAIIA).
L'ancien président Bingu wa Mutharika s'était justement refusé à dévaluer.
Pour l'opposition, le scandale du détournement de fonds publics - le "Cashgate" - est pain bénit.Peter Mutharika, frère du défunt président, désormais le plus sérieux rival de la présidente, accuse même Mme Banda d'avoir organisé le détournement pour financer sa campagne.
Plus généralement, on reproche à la présidente d'abuser des ressources de l'Etat pour acheter des voix en distribuant des sacs de maïs, base de l'alimentation de la plupart des Malawites.
- Frère et fils d'ancien président -
Quatre candidats, sur les 12 concurrents en lice pour cette présidentielle, ont une chance de l'emporter, selon les observateurs.
"Nous n'avons jamais vraiment eu d'élection aussi indécise", a commenté Boniface Dulani, coordinateur du projet de recherche Afrobaromètre au Malawi.Les sondages ont donné des résultats contradictoires.
Peter Mutharika, 74 ans, promet le retour à un bon fonctionnement de l'Etat en reprenant l'oeuvre de son frère, qui en avait fait son héritier.
Ses détracteurs l'accusent d'être avide de pouvoir, rappelant qu'il a essayé de cacher la mort de son frère en 2012 - il était alors ministre des Affaires étrangères - afin de lui succéder et d'empêcher Joyce Banda d'arriver au pouvoir.
Autre candidat solide, Lazare Chakwera, 59 ans, dirige le parti de l'ancien dictateur Kamuzu Banda, le "père de l'indépendance", qui a régné d'une main de fer de 1964 à 1994.
Le quatrième homme est Atupele Muluzi, 36 ans, fils de l'ancien président Bakili Muluzi, qui avait battu M. Banda aux premières élections multipartites de 1994.
Les programmes des candidats sont assez semblables: stimuler l'économie, créer des emplois et subventionner l'agriculture.
Il n'y aura pas de second tour: le futur chef de l'Etat sera désigné à la majorité simple.
Malgré le "Cashgate", "la sortante reste l'une des favorites dans la course à la présidence", estime Sarah Tzinieris, analyste à la société de conseil britannique Maplecroft.
C'est surtout parce que l'opposition est dispersée que Mme Banda peut gagner, selon elle.Mais elle a peu de chance d'obtenir une majorité au Parlement, qui sera également renouvelé mardi.
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