Deux candidats à la présidentielle de dimanche au Burkina faso revendiquent son héritage, il inspire une riche littérature et même des musiciens se réclament de lui: 23 ans après sa mort, le "père de la révolution" Thomas Sankara fascine encore le pays.
L'expérience Sankara n'aura duré que quatre années (1983-1987) mais sur des posters, des tableaux, des T-shirts et même des motos dans les rues de Ouagadougou, son visage juvénile est reproduit à foison, lui donnant des airs de Che Guevara sahélien.
Une foule de petits partis et d'associations prétendent faire vivre l'esprit du révolutionnaire, tué lors du coup d'Etat qui porta au pouvoir son frère d'armes et ami, le président actuel et favori de dimanche Blaise Compaoré.
Deux candidats invoquent cette année le patronage de Sankara: Bénéwendé Stanislas Sankara (sans lien de parenté avec le disparu), deuxième au scrutin de 2005 (4,88% des voix), et Boukary Kaboré, dit "le lion", l'un de ses anciens compagnons d'armes.
C'est par un putsch, le 4 août 1983, qu'à l'âge de 33 ans Sankara prend les rênes de la Haute-Volta.Le capitaine proclame une "révolution démocratique et populaire" et rebaptise l'ex-colonie française en Burkina Faso ("patrie des hommes intègres"). Tribun charismatique, il met l'accent sur l'éducation et la santé.Pour combattre les détournements, il instaure des "tribunaux populaires" et donne l'exemple en vivant chichement dans un palais délabré.
Sa figure continue d'inspirer écrivains et musiciens au Burkina (et ailleurs en Afrique): on le vante comme un modèle qui sert aussi à flétrir la corruption de certains chefs d'Etat.
Dreadlocks en bataille, le chanteur de reggae Sam's K le Jah, de son vrai nom Karim Sama, a consacré à son idole un album, "Une bougie pour Thomas Sankara". "Je ne le vois pas comme un politicien, je le vois dans le côté révolutionnaire des Jésus et Mahomet qui sont venus pour apporter un changement à l'humanité", soutient l'artiste et animateur de radio, interrogé par l'AFP.
Moins lyrique, l'ancien chef de la diplomatie de Sankara, Basile Guissou, auteur du livre "Sankara, un espoir assassiné", souligne qu'"il a défendu une autre image du Burkina et de l'Afrique". Il "restera une référence pour la jeunesse africaine et les peuples opprimés", prédit M. Guissou qui, comme la plupart des ex-"révolutionnaires", milite au Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), parti fondé par Blaise Compaoré, "tombeur" de Sankara qu'il érigea pourtant en "héros national". "Si Sankara était encore là, les nombreux cas de corruption dont on parle au Burkina n'auraient jamais existé", assure avec regret Oumarou Nébié, étudiant en droit.
Mais "Thom Sank" a aussi ses détracteurs.A l'image du député CDP Arsène Bognessan Yé, un proche devenu son pourfendeur, ils accablent un dirigeant "autoritaire" et "solitaire".
Sankara a été à l'origine des premiers assassinats politiques dans le pays, accuse-t-il, fustigeant les dérives des Comités de défense de la révolution (CDR), sorte de police politique "qui faisait la loi" dans les quartiers et l'administration. Certaines de ces pratiques coûtèrent au capitaine sa popularité - il se mit à dos une bonne partie de l'élite et de la population, sans compter des pays comme la France - et finalement sa vie.
Un mystère demeure autour des circonstances de sa mort, le 15 octobre 1987.Une plainte déposée par sa veuve a été classée par la justice du Burkina.
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