Burkina: ouverture et renvoi du procès du dernier gouvernement Compaoré

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Ouagadougou (AFP)

Le procès historique des ministres du dernier gouvernement de Blaise Compaoré pour leur implication présumée dans la répression de l'insurrection populaire d'octobre 2014 qui a renversé le régime s'est brièvement ouvert jeudi devant la Haute cour de justice du Burkina Faso. 

Les débats de cette juridiction spéciale composée de magistrats et de députés, réunie pour la première fois de son histoire, ont toutefois été renvoyés au 4 mai en raison de la rentrée du barreau qualifiée..."d'événement majeur" par le bâtonnier.

Comparaissant libres à une exception près, 24 des 34 ministres, assis sur des chaises en plastique, étaient présents au Palais de justice de Ouagadougou pour répondre de leur rôle dans la répression qui a fait une trentaine de morts.Réfugié en Côte d'Ivoire, l'ancien président Compaoré était absent. 

Les ministres sont poursuivis pour "complicité d'homicide volontaire et blessures volontaires" pour avoir participé "au Conseil des ministres du 29 octobre 2014 au cours duquel ils ont décidé de (faire appel à) l'armée pour réprimer les manifestants" qui protestaient contre la réforme constitutionnelle devant permettre à Blaise Compaoré de briguer un nouveau mandat après 27 ans de pouvoir.

Malgré le contretemps provoqué par le renvoi, les familles des victimes se sont réjouies de voir la justice à l'oeuvre.

"Ca ne nous dérange pas", a commenté "PK" Victor Peouahoulabou, président des "familles des martyrs de l'insurrection populaire et du coup d'Etat manqué". 

"Nous sommes contents de ce grand jour.La Haute cour a ouvert le dossier et nous avons vu tous ceux qui ont tué nos enfants, nous avons vu la tête de certains...J'avais envie de les attraper moi-même.Si ça ne tenait qu'à nous, on allait les prendre et les mettre en prison", souffle-t-il. 

A leur arrivée au tribunal, les ministres sont pourtant décontractés et se saluent, parfois de manière ostentatoire.

"Je suis serein.J'ai confiance dans la justice de mon pays", affirme à l'AFP l'ex-Premier ministre Luc Aldophe Tiao, qui a fait deux mois de prison en 2016 avant de bénéficier de la liberté provisoire.

Autour du Palais de justice, les rues on été bloquées par des forces de sécurité omniprésentes tandis qu'un brusque orage et des bourrasques de vent balaient la cour de l'enceinte où quelque 300 personnes et de nombreux journalistes font la queue pour assister aux débats.

- Compaoré, "gros poisson" absent -

"La Cour", crie un huissier.Les magistrats et députés habillés en civil mais ceints d'une écharpe aux couleurs du Burkina Faso entrent. 

Le président Mathieu Bebrigda Ouedradrogo fait l'appel des accusés, citant les ministres un à un.Ceux-ci se lèvent et se placent devant la barre. 

"Compaoré Blaise!", annonce le président."Compaoré Blaise", répète-t-il alors qu'un brouhaha et des rires s'emparent de la salle.

Le "beau Blaise" n'est évidemment pas là, il est en Côte d'Ivoire où il réside depuis sa fuite.Il est cité à comparaitre non en tant que président mais en tant que ministre la Défense, portefeuille sur lequel il gardait la haute main.

"Il y a un gros poisson qui n'est pas là, qui est devenu ivoirien (Blaise Compaoré marié à une Ivoirienne a pris la nationalité pour éviter toute extradition) Ca n'empêche pas la Haute cour de dicter la loi", commente "PK" Victor Peouahoulabou, à l'issue de l'audience. 

Le président cite ensuite les témoins, qui signalent leur présence."Diendéré Gilbert', dit le président.Placé au premier rang, vêtu d'une chemise de couleurs, le général auteur du putsch pro-Compaoré raté de septembre 2015, se lève, très martial, et crie "présent". 

Des applaudissements éclatent, sans qu'on sache si ce sont des gestes de soutien ou si on salue sa comparution devant les juges. 

Les ministres sont debout en deux rangs devant le président mais l'audience dure moins d'une heure, n'abordant que le renvoi.Il faudra attendre le 4 mai pour le fond.

"Mieux vaut tard que jamais.Nous demandons que cette justice redore son blason.Le peuple demande justice", estime Marcel Tankoano de la société civile qui assure qu'à la vue des ministres à la barre: "tout mon corps tremble, je suis ému". 

Le Congrès pour la démocratie et le progrès, le parti de M. Compaoré, a dénoncé le procès, parlant de "chasse aux sorcières" et "d'instrumentalisation de nos institutions à des fins de règlement de comptes politiques".

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