L'opposition burundaise et la société civile ont appelé au boycott des élections censées débuter lundi, refusant de cautionner un "simulacre" électoral après des semaines de contestation et de violences déclenchées par la candidature du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat.
Dénonçant un "forcing électoral du président" qui ne "pense qu'à ses propres intérêts", les principaux leaders de la société civile ont aussi demandé à la communauté internationale de ne pas valider les scrutins.La Belgique, ex-puissance colonisatrice du Burundi, a d'ores et déjà annoncé qu'elle ne reconnaîtra pas leurs résultats.
Face au climat "politique et sécuritaire" qui règne dans le pays, et suivant une recommandation de son envoyé spécial sur place, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a réclamé un report des élections.
Ce report était d'ailleurs réclamé par l'opposition, qui aurait voulu pouvoir éviter de se retirer du processus, gardant en tête son boycott des élections en 2010 qui a eu pour seule conséquence de la sortir du jeu politique pendant cinq ans.Mais le camp présidentiel a jusqu'à présent refusé catégoriquement de repousser à nouveau les élections.
"Toute l'opposition a décidé unanimement de boycotter les élections qui ont été préparées par la Céni (la Commission électorale) et qui commencent par les communales et législatives de lundi", a ainsi déclaré à l'AFP l'un des leaders de l'opposition, Charles Nditije.
Une lettre, signée par tous les représentants de l'opposition politique et dont l'AFP a obtenue une copie, a été déposée en ce sens jeudi à la Céni.
Les membres de l'opposition y dénoncent un calendrier électoral fixé unilatéralement.Mais surtout, ils refusent d'aller aux urnes tant que les conditions pour des élections "paisibles, transparentes et inclusives" ne seront pas "préalablement créées".
"Ces conditions ont, entre autres, trait au désarmement de la milice Imbonerakure (la Ligue des jeunes du parti au pouvoir) et à la sécurisation du processus électoral et des leaders politiques et sociaux, à la réouverture des médias indépendants, le retour des réfugiés de fraîche date et des leaders politiques et de façon générale le retour à une vie sociale normale", précisent-ils dans leur lettre.
M. Nditije a également souligné le problème de légitimité de la Céni, dont deux membres ont fui à l'étranger et qui est désormais composée selon lui uniquement de fidèles du président Nkurunziza.Il a aussi contesté le maintien de la candidature du chef de l'Etat à la présidentielle du 15 juillet, au centre de la crise.
- Fuite en avant -
Les opposants à un troisième mandat de Pierre Nkurunziza, déjà élu en 2005 et 2010, le jugent anticonstitutionnel et contraire à l'accord d'Arusha qui avait ouvert la voie à la fin de la longue guerre civile burundaise (1993-2006).
Les manifestations qui ont suivi l'officialisation de sa candidature fin avril ont été violemment réprimées par la police et ont donné lieu à des heurts avec les Imbonerakure, accusés de campagne d'intimidation contre les anti-Nkurunziza. Lors d'un putsch manqué de généraux eux aussi opposés au 3e mandat mi-mai, les médias indépendants ont eux été détruits et restent depuis empêchés d'émettre par le pouvoir.
Les violences qui ont accompagné la contestation populaire ont fait au moins 70 morts, selon une ONG burundaise de défense des droits de l'homme.Et plus de 100.000 Burundais ont fui ce climat délétère dans des pays voisins, Rwanda, République démocratique du Congo, Tanzanie.
Face à cette crise, le pouvoir burundais a déjà reporté deux fois les scrutins législatifs et communaux et une fois la présidentielle.
Arguant d'un risque de vide institutionnel - le mandat de Pierre Nkurunziza s'achève le 26 août -, il a jusqu'ici exclu tout nouveau report, malgré les pressions de médiateurs internationaux qui ont proposé de reporter, à la même date du 31 juillet, législatives, communales et présidentielle, avant de suspendre vendredi après-midi leurs travaux.
Les détracteurs de M. Nkurunziza dénoncent jour après jour une fuite en avant du chef de l'Etat, qui a lancé jeudi sa campagne présidentielle.Chaque semaine voit son lot d'opposants, journalistes, membres de la société civile et même de frondeurs du parti au pouvoir (le CNDD-FDD) fuir le pays, disant craindre pour leur vie.
Depuis une semaine, à l'approche des scrutins, les violences ont de nouveau gagné en intensité dans le pays, où des attaques à la grenade ont fait au moins quatre morts et des dizaines de blessés et se sont poursuivies dans la nuit de jeudi à vendredi.
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