Le mouvement contre un troisième mandat du président burundais Pierre Nkurunziza a suspendu dimanche un timide début de dialogue avec le gouvernement après l'assassinat d'un de ses leaders, appelant à reprendre les manifestations lundi avec "vigueur".
"On ne dialoguera pas dans le sang et sous la menace de mort!", a dénoncé la Coordination de la campagne contre le troisième mandat dans un communiqué.
Zedi Feruzi, président de l'UPD, un petit parti d'opposition, a été abattu samedi soir avec un garde du corps en rentrant chez lui.
Les assaillants ont fui, mais selon un journaliste burundais également blessé qui discutait avec la victime au moment de l'attaque, les tueurs portaient "des tenues policières de la garde présidentielle".
La présidence a démenti, se disant "choquée" et demandant "que la lumière soit faite de façon urgente afin que les coupables soient traduits devant la justice".
M. Feruzi a été enterré dans le calme dimanche en présence de milliers de personnes dans un cimetière musulman de Bujumbura.
"Aujourd'hui c'est Feruzi qui a été tué, mais demain ça peut être n'importe qui", a dénoncé Pasteur Pawenayo, un responsable de l'UPD."C'est un assassinat politique (...) Le pouvoir y est pour quelque chose".
L'Union européenne a condamné cet assassinat: "C'est le rôle des autorités burundaises de poursuivre les auteurs de ces crimes et de prendre les mesures nécessaires pour éviter une propagation de la violence politique (...) dans le respect des droits humains", selon un porte-parole.
La Coordination anti-troisième mandat, condamnant un "acte ignoble", a annoncé "suspendre sa participation au dialogue, encore en phase préliminaire, initié" par les Nations unies entre le gouvernement et les différents acteurs de la crise.
Ces discrètes négociations, à peine entamées, se déroulaient sous l'égide de l'envoyé spécial de l'ONU Saïd Djinnit, de représentants de l'Union africaine (UA) et de pays de la région.Elles incluaient des représentants de la société civile, de partis politiques, d'organisations religieuses et du gouvernement.
Dans la nuit, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, condamnant ce "crime", a réitéré "ses appels au calme et à la retenue".
L'assassinat de Zedi Feruzi "intervient quelques jours seulement après des informations (...) qui faisaient état d'un plan d'élimination physique" de certains leaders de la contestation, "ainsi que de l'exposition publique de leurs corps pour faire peur aux manifestants", ont accusé les leaders du mouvement anti-Nkurunziza.
- Nouvel appel à manifester lundi -
Zedi Feruzi, un des leaders du mouvement, avait appelé mardi à Bujumbura "tous les Burundais à s'unir" pour obtenir le retrait de la candidature de M. Nkurunziza.
La capitale est restée calme dimanche, la Coordination ayant décrété une trêve pour le week-end mais appelant à manifester de nouveau lundi "avec plus de vigueur".
Le pays connaît depuis un mois un vaste mouvement de contestation populaire contre le président Nkurunziza, au pouvoir depuis 2005 et candidat à un troisième mandat à la présidentielle du 26 juin.
Les manifestations sont quasi quotidiennes, émaillées de heurts avec la police, avec près d'une trentaine de morts en quatre semaines.Plusieurs responsables de la contestation sont passés dans la clandestinité.
Vendredi soir, l'explosion de trois grenades lancées dans la foule par des inconnus, en plein centre-ville de Bujumbura, avait fait trois morts et des dizaines de blessés.
Le blocage reste pour le moment total.
Les protestataires espèrent faire renoncer M. Nkurunziza à briguer un troisième mandat, qu'ils jugent anticonstitutionnel et contraire aux accords de paix d'Arusha (Tanzanie), qui avaient mis fin à la sanglante guerre civile entre majorité hutu et minorité tutsi (1993-2006).
Pour le président, le mouvement en cours est une "insurrection" limitée à "quatre quartiers" de la capitale, alors que "la paix et la sécurité règnent sur 99,9% du territoire".
Des manifestations, de moindre ampleur et plus sporadiques, ont aussi été signalées en province, où le parti présidentiel CNDD-FDD a sa base électorale.
En l'absence de tout média indépendant, peu d'informations circulent néanmoins sur la situation dans les campagnes alors que - signe d'évidentes tensions - près de 110.000 Burundais ont trouvé refuge dans les pays voisins, dont 70.000 en Tanzanie.L'ONG Médecins sans frontières (MSF) juge la situation critique dans les camps tanzaniens, où une épidémie de choléra a déjà fait 31 morts et progresse au rythme de 400 nouveaux cas quotidiens.
Des élections législatives et communales, reportées de 10 jours sous la pression internationale, sont prévues le 5 juin, suivies par la présidentielle du 26 juin.
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