Répression des voix discordantes, mise à mal de la réconciliation nationale, incapacité à sortir le pays de l'extrême pauvreté: les opposants à un troisième mandat du président burundais Pierre Nkurunziza, au pouvoir depuis 10 ans, ne se cantonnent pas à une question constitutionnelle.
LA REPRESSION
Depuis des années, et de plus en plus, le gouvernement est accusé de harceler ses opposants.
En première ligne: la société civile, principal contre-pouvoir depuis les élections de 2010 boycottées par l'opposition.Les figures de cette société civile, en pointe dans la campagne anti-troisième mandat, disent craindre pour leur vie.Plusieurs font l'objet de procédures judiciaires qu'elles estiment abusives.Certaines font l'objet de mandats d'arrêt depuis le début des manifestations.
Les médias, qui relaient largement les critiques de la société civile, se disent aussi dans le collimateur des autorités.La principale radio du pays a été fermée peu après le début des manifestations.Les émetteurs des deux autres radios indépendantes ont été coupés en province.
La police burundaise est, elle, accusée de dizaines d'exécutions extra-judiciaires, notamment d'opposants politiques ou de rebelles.Elle est également accusée de travailler main dans la main avec les jeunes du parti au pouvoir, les "Imbonerakure", qualifiés de "milices" par l'ONU et que la population accuse de se livrer à des campagnes d'intimidation contre les opposants à M. Nkurunziza à l'approche des élections.
Le gouvernement nie ces accusations, reprochant en retour à la société civile et aux médias privés de sortir de leur rôle et de violer la loi.Il qualifie les manifestants de "terroristes" et a promis de les traiter comme tels.
LA MISE A MAL DES ACCORDS DE RECONCILIATION
Les opposants à Pierre Nkurunziza jugent sa candidature à la présidentielle du 26 juin anticonstitutionnelle et contraire aux accords d'Arusha qui avaient ouvert la voie à la fin d'une longue guerre civile (1993-2006) opposant une armée alors dominée par la minorité tutsi à des mouvements rebelles hutu.
Dans un pays en très grande majorité peuplé de Hutu, ces accords organisent un savant équilibre de la représentation des Hutu et des Tutsi au sein des institutions.
Mais depuis des mois, le gouvernement de Pierre Nkurunziza, lui-même ex-chef rebelle hutu, est accusé de saper, lentement mais sûrement, cet équilibre: l'an dernier, le gouvernement a tenté sans succès une révision constitutionnelle qui remettait en question ce délicat partage du pouvoir, contribuant au départ du gouvernement du principal parti tutsi du pays, l'Uprona.
Le pouvoir est aussi accusé d'avoir peu à peu renforcé la représentation hutu au sein de la police, entraînant un déséquilibre dans ce corps honni par les manifestants, alors que les accords d'Arusha prévoient - comme dans l'armée - une stricte parité entre Hutu et Tutsi.
A noter cependant que la crise actuelle ne s'articule pas principalement autour d'une opposition ethnique, Hutu contre Tutsi: Pierre Nkurunziza est contesté jusque dans son propre parti, le Cndd-FDD, ex-rébellion hutu, et plusieurs partis hutu animent la contestation.Mais de nombreux observateurs craignent que cette question ethnique ne soit instrumentalisée à l'approche des élections par le camp présidentiel.
L'ECHEC DE LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETE
La guerre civile burundaise, qui a fait quelque 300.000 morts, a mis l'économie burundaise par terre.Pour ses détracteurs, Pierre Nkurunziza a échoué à la remettre sur pied.
Avec un revenu national brut d'à peine 260 dollars par habitant et un taux de malnutrition chronique qui touche plus de 58% de la population, le petit pays d'Afrique des Grands Lacs est un des pays les plus pauvres de la planète.Il exporte très peu, manque régulièrement de devises étrangères pour par exemple acheter de l'essence, et ne produit pas assez pour arriver à l'auto-suffisance alimentaire.
Une grande partie des manifestants, constitués essentiellement de jeunes, sont des chômeurs ou des étudiants qui peinent à boucler leurs fins de mois dans une capitale, où les prix des denrées de base ne cessent par ailleurs d'augmenter.
Le président Nkurunziza se félicite d'avoir construit des milliers d'écoles et d'avoir rendu l'école gratuite.Mais, paradoxalement, ses détracteurs soulignent que le niveau du système éducatif n'a jamais été aussi bas: les ressources, notamment humaines, n'ont jamais suivi la considérable hausse du nombre d'élèves.
La corruption est par ailleurs endémique au Burundi, classé 159 sur 175 dans l'index 2014 de perception de la corruption de l'ONG Transparency international.Les dirigeants burundais sont accusés de s'en mettre plein les poches quand la population a à peine de quoi manger une fois par jour.
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