Au soir d'une journée de trêve dans les manifestations contre le président Pierre Nkurunziza, un leader d'un petit parti d'opposition a été assassiné samedi à Bujumbura, nouvelle escalade de la violence dans la crise politique que connait depuis quatre semaines le Burundi.
Zedi Feruzi, le président de l'Union pour la paix et la démocratie (UPD), a été abattu par balles avec son garde du corps devant son domicile du quartier de Ngagara alors qu'il rentrait à pied chez lui.Les assaillants, qui circulaient en voiture, ont pu prendre la fuite.
Selon un journaliste burundais, qui était en train de discuter avec la victime et a été blessé dans l'attaque, les tueurs portaient "des tenues policières de la garde présidentielle".Il a dit désormais se cacher par peur lui aussi "d'être tué".
La présidence a démenti ses accusations.Elle s'est dit "choquée", et a "demandé que la lumière soit faite de façon urgente afin que les coupables soient traduits devant la justice".
L'UPD est un petit parti, un moment divisé mais qui était retourné récemment dans l'opposition, renouant avec un influent dissident du parti au pouvoir CNDD-FDD, Hussein Radjabu.
Vendredi soir, au terme d'une nouvelle semaine de manifestations marquées de nombreuses violences et une répression toujours plus forte de la police, trois personnes avaient été tuées et plusieurs dizaines blessées dans une attaque à la grenade en plein centre de la capitale.Les auteurs de cette attaque avaient là aussi pu prendre la fuite.
Selon la police, ils seraient liés aux manifestants qui contestent presque chaque jour maintenant depuis fin avril la candidature du président Nkurunziza à un troisième mandat à l'élection présidentielle du 26 juin.
"Nous n'avons évidemment rien à voir avec ces attaques à la grenade", a démenti Vital Nshimiramana, l'un des leaders du mouvement: "la police cherche à nous diaboliser pour pouvoir justifier l'usage excessif de la force".
Ces deux incidents en moins de 24 heures contribuent encore un peu plus à instaurer un climat d'instabilité et d'angoisse dans la capitale burundaise.Les manifestations anti-troisième mandat, émaillées de nombreux heurts avec la police, y on fait près de 25 morts en quatre semaines.La police fait désormais un large usage de ses armes à feu pour disperser les opposants, faisant craindre un dérapage sanglant.
- Pourrissement -
Bujumbura était restée néanmoins calme ce samedi, en vertu d'une trêve décrétée pour ce week-end par les leaders de la contestation, qui ont entamé un "dialogue" avec le gouvernement.
Ces très discrètes négociations se déroulent sous l'égide de l'envoyé spécial de l'ONU Saïd Djinnit, de représentants de l'Union africaine (UA) et des pays de la région.
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, s'est dit vendredi encouragé par ce "dialogue" qui inclut des représentants de la société civile, de partis politiques, d'organisations religieuses et du gouvernement.Il butte néanmoins toujours sur l'épineuse question du troisième mandat, a reconnu l'émissaire de l'UA, Edem Kodjo, qui a souligné le rôle crucial des chefs d'�?tats de la région pour aider à trouver une solution.
Malgré les menaces du pouvoir, l'échec du coup d'Etat et la répression de la police, les manifestants ne fléchissent pas et la contestation a même pris durablement racine dans les quartiers.
C'est le pire des scénarios qui semble en train de se réaliser, celui du pourrissement, avec toujours plus d'incidents qui rappellent par bien des aspects le spectre des années de la sanglante guerre civile entre majorité hutu et minorité tutsi (1993-2006).
Le blocage reste pour le moment total entre les deux camps.Les protestataires espèrent faire renoncer M. Nkurunziza, au pouvoir depuis 2005, à briguer un troisième mandat qu'ils jugent anticonstitutionnel et contraire aux accords de paix d'Arusha, qui avaient mis fin à la guerre civile.
Pour le président, ce mouvement en cours est une "insurrection" limitée à "quatre quartiers" de la capitale, alors que "la paix et la sécurité règnent sur 99,9% du territoire".
Des manifestations ont aussi été signalées en province, mais de moindre ampleur et plus sporadiques.Depuis la fermeture des principales radios privées - les seuls médias indépendants susceptibles de toucher l'ensemble de la population, largement illettrée et très majoritairement rurale -, il est difficile de savoir ce qu'il se passe à l'intérieur du pays.
Le président Nkurunziza a tenu samedi un meeting de campagne dans la province de Bubanza (nord) devant une foule de plusieurs milliers de personnes, démonstration de la traditionnelle forte assise populaire de son parti, le CNDD-FDD, dans les campagnes.
Des élections législatives et communales, reportées de 10 jours sous la pression internationale, sont en théorie prévues le 5 juin et seront suivies par la présidentielle du 26 juin.Jeudi, des manifestants ont brûlé pour la première fois du matériel électoral, en périphérie rurale de la capitale.
La vitesse avec laquelle les gens quittent le pays est aussi révélatrice des peurs et des tensions actuelles.A ce jour, près de 110.000 Burundais ont trouvé refuge dans les pays voisins, dont 70.000 en Tanzanie.
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