Le calme a prévalu jeudi à Kinshasa, où la question des funérailles des dizaines de victimes des violences de lundi et mardi a commencé à faire l'objet de récupération politique après la polémique au sujet du bilan de ces heurts.
La circulation est restée cependant inhabituellement fluide et beaucoup de boutiques sont restées fermées.
Le bilan officiel des 48 heures de pillages et d'affrontements entre forces de l'ordre et jeunes réclamant le départ du président Joseph Kabila est de 32 morts.
Ce chiffre est contesté par l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), parti d'opposition historique en République démocratique du Congo, pour qui ces violences, les pires qu'ait connues Kinshasa depuis janvier 2015, ont fait "plus de 100 morts".
Les affrontements ont éclaté lundi matin en marge d'une manifestation organisée par un "Rassemblement" d'opposition constitué autour de l'UDPS à trois mois de la fin du mandat de M. Kabila pour lui signifier son "préavis" et exiger son départ le 20 décembre.
Opposition et autorités se renvoient mutuellement la responsabilité de ces troubles, qui ont dégénéré en émeutes et pillages réprimés par la police et l'armée.
Le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, a accusé jeudi les organisateurs de la manifestation d'avoir trompé les autorités sur leurs intentions: ils avaient selon lui en tête "un mouvement insurrectionnel manifestement prémédité de longue date".
A Genève, le Haut-Commissariat aux droits de l'Homme de l'ONU a estimé qu'au moins 50 personnes avaient été tuées.Il a appelé les autorités à "abandonner leur position extrêmement conflictuelle et construire des ponts avec l'opposition".
"Le responsable des Nations unies qui lance cet appel n'a pas toutes les informations", a estimé M. Mende, ajoutant avoir été "choqué" par les attaques du président français François Hollande, qui a accusé mardi l'�?tat congolais d'être responsable d'"exactions" contre la population.
- "Deuil national" -
Signe que le calme revenu mercredi est encore assez précaire, les écoles de Kinshasa sont restées désertes jeudi, les parents jugeant préférable d'attendre lundi pour y renvoyer leurs enfants.
Un camp militaire du centre de la capitale a fait l'objet d'une vaste opération conjointe de la police et de l'armée, selon des journalistes de l'AFP.
Un général de l'armée a indiqué que l'opération s'était traduite par des interpellations ayant permis de remplir "quatre véhicules de transports de troupes".Mardi, la rumeur avait couru que des enfants de militaires du camp s'étaient emparés d'armes pour aller commettre des pillages.
Au lendemain d'une messe en mémoire des victimes à la cathédrale de Kinshasa, Bruno Tshibala, porte-parole de l'UDPS, a déclaré à l'AFP que le "Rassemblement" envisageait de décréter "une journée de deuil national lors de [leur] enterrement".
"Nous comptons nous rendre en cortège jusqu'au cimetière, avec le président Tshisekedi en tête", a-t-il ajouté.
Fondateur de l'UDPS sous la dictature du maréchal Mobutu (1965-1997), �?tienne Tshisekedi fut le rival malheureux de M. Kabila à la présidentielle de 2011, entachée de fraudes massives.
Mercredi, le gouverneur de Kinshasa, André Kimbuta, avait annoncé que la ville-province de la capitale prendrait en charge les funérailles des victimes des violences.
M. Tshibala a accusé le ministre de la Santé, Félix Kabange Numbi, de faire le tour des "morgues pour séquestrer les corps", ce que l'intéressé a catégoriquement démenti auprès de l'AFP.
La Constitution interdit à M. Kabila, au pouvoir depuis 2001, de se représenter, mais celui-ci ne donne aucun signe de vouloir quitter son poste et le scrutin présidentiel apparaît désormais impossible à organiser avant le 20 décembre.
Les violences à Kinshasa ont éclaté tandis que se déroule un "dialogue national" entre la majorité au pouvoir, des représentants de la société civile et une frange minoritaire de l'opposition pour tenter de sortir le pays de la crise politique.
Après les violences, l'�?glise catholique et plusieurs organisations de la société civile ont suspendu leur participation à ce forum qui doit reprendre vendredi.
Dans la soirée, M. Tshisekedi et les dirigeants du "Rassemblement" ont reçu la visite d'une délégation de diplomates occidentaux et africains.
A l'issue de la rencontre, l'ambassadeur du Canada, Mme Ginette Martin, a souhaité, au nom du groupe, que "les dirigeants de toutes les tendances assument leur responsabilité enfin de s'accorder sur un consensus sur les prochaines étapes afin de permettre des élections crédibles et apaisées dans les meilleurs délais".
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