Les islamistes armés nigérians de Boko Haram enrôlent depuis quelques mois de jeunes Camerounais dans la zone frontalière entre les deux pays, qui rejoignent ensuite des camps d'entraînement, selon des sources sécuritaires camerounaises.
"Environ 200 jeunes (âgés de 15 à 19 ans) de la zone de Kolofata (extrême-nord du Cameroun) ont été recrutés depuis février.Ils sont toujours dans des camps d'entraînement des Boko Haram dans la brousse nigériane", explique sous couvert d'anonymat un inspecteur de la police camerounaise, en poste dans la région.
Selon lui, les jeunes recrues sont issues de l'ethnie Kanuri, qu'on retrouve à Kolofata et dans d'autres localités de la région camerounaise de l'extrême-nord, mais aussi au Nigeria.
Les Kanuri du Nigeria sont réputés fournir nombre de combattants à Boko Haram.
Les jeunes sont attirés par les avantages que leur font miroiter les islamistes, l'argent notamment, selon le policier.Mais l'engagement aux côtés des islamistes n'est pas toujours volontaire.
- Ceux qui refusent "sont égorgés" -
"Les Boko Haram tentent de les convaincre par la parole en interprétant le Coran à leur guise.Dans le cas où le jeune résiste, il y est contraint de force", souligne de son côté un commissaire de police, lui aussi sous couvert d'anonymat: "ceux qui ne veulent pas sont égorgés.Je connais un jeune de la région qui a subi ce sort".
La question de l'enrôlement de jeunes Camerounais par les islamistes agite la région."Nous avons pas mal de petits frères du village qui sont partis", confie Abba, jeune assistant d'une autorité traditionnelle de la région: "c'est regrettable parce qu'ils empruntent un chemin dangereux dont l'issue sera sans doute la mort", note-il.
Evoquant l'absence de "preuves" pour étayer les informations sur l'enrôlement des jeunes, le gouverneur de la région de l'Extrême-nord, Awa Fonka Augustine, conseille toutefois aux parents de mettre leurs enfants en garde contre les dangers d'un tel engagement.
"Boko Haram est comme le +famla+ (nom attribué à une société secrète de l'ouest du Cameroun).Lorsque vous avez connu son secret, ce n'est plus possible de sortir de l'organisation", souligne M. Awa Fonka: "ceux qui sont allés et cherchent à s'enfuir, les Boko Haram les recherchent partout".
- Développer l'éducation -
M. Awa Fonka appelle aussi les parents à encourager leurs enfants à faire des études classiques pour ne plus se contenter uniquement des études coraniques - comme c'est très souvent le cas dans la région - qui n'offrent pas la possibilité d'obtenir des diplômes pouvant déboucher sur un emploi.
"Nous sommes en train de recommander à l'Etat l'ouverture des écoles franco-arabes (études mixtes) pour combler ce manque", assure-t-il.
Dans un échange avec l'AFP fin 2013, une autorité traditionnelle de la région, le Lamido (chef de village) Halilou de Pété, près de Maroua, la capitale régionale, mettait en garde contre un risque de propagation de l'idéologie de Boko Haram chez les jeunes.
"Il existe une population locale qui peut être manipulée et est même dans la méconnaissance de l'islam (...) Cette catégorie est minoritaire, mais elle pourrait devenir importante du fait d'une jeunesse en mal d'existence, d'une pauvreté ambiante et de la mauvaise gestion de la cité", prévenait-il.
Depuis mai 2013, l'armée nigériane mène une guerre sans merci contre les islamistes de Boko Haram.Beaucoup d'entre eux se replient depuis lors dans les pays voisins, au Cameroun notamment.
Les affrontements entre l'armée et les combattants islamistes ont fait des milliers de victimes, essentiellement parmi les civils.
"En recrutant de jeunes Camerounais, Boko Haram veut refaire et même grossir ses effectifs, mais il y a un risque évident d'implantation durable de la secte au Cameroun", estime le commissaire de police camerounais.
D'après lui, Boko Haram est en passe de devenir "une multinationale du crime": la secte compte désormais parmi ses combattants des Tchadiens, des Nigériens et des Camerounais, en plus des Nigérians qui constituent le gros de ses effectifs.
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