Un dernier hommage a été rendu jeudi à Bangui à la jeune journaliste française Camille Lepage, tuée lors d'un reportage en brousse en Centrafrique avec les milices anti-balaka, lors d'une cérémonie à la base de l'armée française avant le rapatriement de sa dépouille.
Plusieurs personnalités, parmi lesquelles le Premier ministre centrafricain André Nzapayéké, des officiers des forces internationales, de nombreux journalistes de médias centrafricains et de la presse internationale, étaient présents à la cérémonie, qui s'est déroulée dans une chapelle ardente sur le camp Mpoko, près de l'aéroport.
"C'est un coup dur qui est porté à la transition, par ceux qui ne veulent absolument pas que la paix revienne dans ce pays, ceux qui continuent de tirer les ficelles des violences", a commenté le ministre de l'Administration du territoire, Aristide Sokambi.
Le corps de Camille Lepage était arrivé mercredi à Bangui, et devrait être rapatrié jeudi dans la journée pour Paris, où une autopsie sera réalisée, selon une source diplomatique.
Une enquête est d'ores et déjà en cours par la prévôté de la force française Sangaris et la force africaine Misca pour connaître les circonstances exactes de la mort de la jeune femme, 26 ans, tuée lors d'une embuscade dans la région de Bouar (ouest), près du Cameroun et du Tchad.
"Cela date de deux jours.Camille Lepage était en compagnie des anti-balaka (milices pro-chrétienne) pour son reportage.Ils seraient tombés dans une embuscade certainement tendue par des éléments armés qui écument la région", selon une source militaire qui a requis l'anonymat.
"Elle a subi des tirs et les anti-balaka ont remonté le corps ainsi que ceux de leurs compagnons" tués dans l'attaque, a précisé cette source.
Selon une autre source de la gendarmerie de Bouar, l'embuscade "a eu lieu à Gallo, un village situé sur l'axe Bouar-Garoua-Boulaï (Cameroun)", à une soixantaine de kilomètres de Bouar, où les anti-balaka "ont eu à plusieurs reprises des accrochages meurtriers avec des ex-Séléka et Peuls armés".
"Il y a eu des affrontements qui ont duré plus d'une demi-heure et ont fait au moins dix morts, dont quatre anti-balaka et six ex-Séléka et peuls armés", a-t-elle ajouté.
Selon Paris, c'est une patrouille de la force française Sangaris qui a découvert la dépouille de la photographe lors d'un contrôle sur un véhicule conduit par des éléments anti-balaka.
- Emoi en France -
La mort de Camille Lepage a suscité l'émoi en France comme en Centrafrique, et les réactions ont été extrêmement nombreuses sur les réseaux sociaux, dans le milieu de la presse ou politique.
Mercredi, une minute de silence a été observée à l'assemblée nationale.Le président François Hollande a promis de mettre en �?uvre "tous les moyens nécessaires pour faire la lumière sur les circonstances de cet assassinat et retrouver les meurtriers".
La présidente centrafricaine, Catherine Samba-Panza, a condamné dans un communiqué "un crime odieux et crapuleux".
Le nord-ouest de la Centrafrique, où la journaliste effectuait son dernier reportage, est l'une des régions les plus touchées par les affrontements entre groupes armés depuis le début du conflit il y a un an.
La Centrafrique a sombré dans le chaos lorsque l'ex-rébellion Séléka, à majorité musulmane, a pris le pouvoir entre mars 2013 et janvier 2014 dans un pays composé à 80% de chrétiens, multipliant les exactions.
Les "anti-balaka", des milices chrétiennes hostiles aux Séléka et plus généralement aux musulmans, se sont formées, semant elles aussi la terreur parmi les civils.
Le travail de la journaliste, basée à Juba, avait été publié dans de grands journaux français et étrangers dont le New York Times, le Washington Post, le Guardian ou Le Monde.En février, elle avait remporté un prix prestigieux, le Pictures of the Year (POY), dans la catégorie portrait.
"Elle n'était pas une tête brûlée.En Centrafrique, j'ai vu de jeunes freelance débarquer sans le moindre équipement de protection.Ce n'était pas son cas", a raconté mercredi dans un texte d'hommage le photographe de l'AFP Fred Dufour, qui avait travaillé avec elle à Bangui
"Elle avait l'expérience des zones de conflit ainsi que le sens du danger.Elle ne prenait aucun risque inutile.Elle était très mûre pour ses vingt-six ans", précise-t-il.
Camille Lepage est la troisième journaliste à mourir en Centrafrique ces dernières semaines, après le meurtre de deux journalistes centrafricains à leurs domiciles le 29 avril.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.