Le chef de la diplomatie française Laurent Fabius a annoncé dimanche à Bangui l'envoi de troupes supplémentaires en Centrafrique tout en exigeant l'organisation d'élections libres début 2015 auxquelles le pouvoir actuel ne pourra pas participer.
M. Fabius, accompagné par la commissaire européenne à l'aide humanitaire Kristalina Georgieva, s'est rendu en Centrafrique pour exhorter la communauté internationale à tout mettre en �?uvre pour sortir le pays du gouffre, livré aux pillards et menacé d'implosion.
"Actuellement nous avons 410 hommes.Au fur et à mesure des résolutions de l'ONU, nous allons donner un coup de pouce surtout dans le domaine logistique et nous allons augmenter (la présence française, ndlr), et ceci sera fait vraisemblablement d'ici la fin de l'année", a déclaré M. Fabius sans préciser le nombre de soldats supplémentaires.
Selon une source diplomatique, les troupes françaises pourraient atteindre 750 voir 1.200 hommes, et viendraient en appui à la force panafricaine Misca, comme ce fut le cas au Mali.
En contrepartie de l'aide française, le ministre a réclamé des gages de bonne volonté des autorités centrafricaines de transition pour mener le pays vers une sortie de crise.
A l'issue d'un entretien avec le président Michel Djotodia - ancien chef des rebelles de la Séléka qui tente désormais de prendre ses distances avec ses compagnons d'armes - et le Premier ministre Nicolas Tiangaye, M. Fabius a annoncé qu'"il a été exigé des autorités que des élections libres aient lieu début 2015 auxquelles ne se représenteront pas ces autorités".
"Nous visons comme objectif un nouveau pouvoir au début 2015", a-t-il souligné.
En outre, les "exactions doivent cesser en RCA.La dissolution de la milice Séléka doit être effective, il ne peut pas y avoir de bandes armées à travers le territoire", a ajouté M. Fabius.
Mais il a également mis en garde les ex-rebelles incontrôlables: "Il faut que ceux qui commettent des exactions sachent qu'il n'y aura pas d'impunité (...) s'il y avait par malheur une augmentation des exactions, évidemment la réaction (de la France, ndlr) serait beaucoup plus forte et rapide".
"Nous avons décidé, la France, l'Union Européenne et les Nations unies, de relever le défi.Nous n'allons pas vous laisser tomber, nous allons nous occuper sérieusement de redresser la situation", a-t-il conclu.
Pour la commissaire européenne, Kristalina Georgieva, "nous devons faire de l'humanitaire, mais aussi restaurer l'Etat, car sans Etat, les seigneurs de guerre vont gagner".
Pays parmi les plus pauvres du monde et en crise depuis des années, cette ancienne colonie française s'est enfoncée dans la violence et le chaos depuis la chute en mars du président François Bozizé, renversé par une coalition hétéroclite de rebelles, la Séléka, officiellement dissoute.
"Ne pas laisser ce conflit se confessionaliser"
Le pays est livré à des chefs de guerre et des mercenaires étrangers, l'Etat s'est effondré et les violences menacent de prendre un tour religieux entre chrétiens, qui constituent la majorité de la population de 5 millions d'habitants, et musulmans.
"Il serait désastreux de laisser ce conflit se confessionaliser", a souligné M. Fabius, en référence aux affrontements qui ont fait plus de 150 morts depuis début septembre dans le nord-ouest du pays entre anciens rebelles et milices d'autodéfense.
Il y a urgence, avait déclaré le président François Hollande à New York fin septembre, insistant sur le risque de "somalisation" de la RCA face à la communauté internationale.
Car chaque jour amène son lot de nouvelles violences, qui s'étendent progressivement à travers tout le pays.Vendredi, des combats entre les forces armées centrafricaines et des groupes d'autodéfense - paysans exaspérés par les exactions des ex-rebelles - ont fait six morts dans la région de Mongoumba, dans le sud.
Et la veille, un contingent de policiers et gendarmes déployé dans le nord-ouest après un bain de sang qui a fait plus de 50 morts en début de semaine, a été attaqué par les ex-rebelles et obligé de battre en retraite.
"La Centrafrique c'est un petit pays mais qui cumule toutes les difficultés et tous les malheurs", déclarait récemment M. Fabius, rappelant les exactions, viols, meurtres, les 400.000 déplacés et le tiers de la population ayant besoin d'une aide humanitaire d'urgence.
"Il y a un cocktail explosif en Centrafrique, et nous craignons que ce pays ne crée un appel d'air pour tous les groupes armés de la zone", souligne une source diplomatique française, évoquant la présence de mercenaires tchadiens et soudanais, de la sanglante rébellion ougandaise Armée de résistance du Seigneur (LRA).Sans compter la probable arrivée de jihadistes chassés du Mali ou d'éléments du groupe islamiste armé nigérian Boko Haram.
Au cours de sa visite, M. Fabius devait également s'entretenir avec des représentants de la communauté française --il reste moins de 600 Français à Bangui--, les militaires français --400 hommes basés à l'aéroport-- ainsi que les représentants de la Misca, la force africaine déployée en Centrafrique qui doit compter à terme 3.600 hommes mais dont seuls 2.000 sont déployés sur le terrain jusqu'à présent.
Cette visite intervient trois jours après le vote à l'ONU d'une résolution initiée par la France, qui ouvre la porte à l'envoi de Casques Bleus en Centrafrique d'ici plusieurs mois.
"Si on mettait en RCA l'argent qui a été utilisé pour chasser les islamistes du Mali on serait tranquilles pour 30,40 ans", a déclaré pour sa part le porte-parole de la présidence centrafricaine, Guy Simplice Kodegue, soulignant que "les caisses de l'Etat sont vides".
L'arrivée de M. Fabius a suscité beaucoup d'espoir chez les Centrafricains traumatisés par six mois de violences, comme en témoignaient les nombreux slogans brandis sur son passage: "Réconcilions-nous avec la mère nourricière".
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