Des soldats tchadiens et burundais de la force africaine en Centrafrique (Misca) se sont affrontés à Bangui, suscitant de nouvelles interrogations sur l'attitude du contingent tchadien, alors que les habitants de la capitale se préparaient mardi à un réveillon de Noël sous couvre-feu.
Des éléments tchadiens ont lancé une grenade en direction des Burundais alors que ceux-ci venaient d'intercepter six ex-rebelles Séléka, lundi après-midi dans un quartier nord de Bangui, a révélé mardi matin le chef du contingent burundais, le lieutenant-colonel Pontien Hakizimana.
La grenade a explosé sans faire de dégâts.Les militaires burundais ont "fait preuve de retenue", mais des soldats de l'avant-garde ont tout de même essuyé des coups de feu et répliqué, blessant trois Tchadiens, selon cet officier.
"Les soldats tchadiens sont repartis avec les six ex-Séléka, en tirant dans tous les sens", puis ils "sont revenus en force dans l'après-midi et ont attaqué nos positions, mais nous les avons repoussés sans aucun problème", a-t-il poursuivi.
"Les soldats du contingent burundais sont très disciplinés et aguerris et n'ont aucune responsabilité dans les incidents d'hier", a souligné le lieutenant-colonel Hakizimana, ajoutant : "nous n'avons aucun contentieux avec aucune partie de la population centrafricaine, nous".
L'incident est peu ordinaire: des soldats de la paix qui se tirent dessus entre eux.Il pose une nouvelle fois la question de l'attitude du contingent tchadien de la Misca (850 hommes sur les 3.700 au total), vu par de nombreux Banguissois comme "complice" des ex-Séléka (à dominante musulmane) au pouvoir.Et s'ajoute à d'autres incidents impliquant les troupes de N'Djamena.Lundi matin, une patrouille tchadienne avait brièvement ouvert le feu sur quelques milliers de manifestants rassemblés devant l'aéroport, faisant un mort.
Traditionnellement très influent en République centrafricaine (RCA), le Tchad du président Idriss Déby Itno est le premier partenaire de la France dans ses efforts pour rétablir la paix dans le pays.La défiance croissante des Centrafricains envers le contingent tchadien complique encore un peu plus la tâche des 1.600 militaires français déployés sur place depuis début décembre.
Un millier de personnes ont été tuées depuis le 5 décembre à Bangui et en province, selon Amnesty international, dans les attaques des milices chrétiennes d'autodéfense "anti-balaka" (anti-machette, en langue sango) et dans des représailles de la Séléka contre la population.
Les violences ont repris depuis la fin de semaine dernière dans la capitale, où les tensions intercommunautaires restent très vives et la situation extrêmement volatile.
Des bonnets rouges de père noël
Les patrouilles des soldats français et des troupes africaines ne suffisent pas pour étouffer les haines et éteindre les nombreux incidents qui éclatent quotidiennement au coeur des quartiers de Bangui.Ces violences, dont beaucoup visent des civils musulmans, alimentent en contrecoup l'hostilité de cette minorité envers les soldats français, accusés de favoriser les chrétiens.
Dans la nuit de lundi à mardi, des tirs ont éclaté au quartier PK5, un quartier mixte à dominante musulmane, où deux musulmans avaient été lynchés à mort peu auparavant.
Les habitants de la zone, en partie désertée, affirmaient mardi matin qu'il s'agissait d'une incursion anti-balaka.Plusieurs centaines de manifestants se sont rassemblés pour dénoncer l'inaction des soldats français de Sangaris."Les Français ont pris le parti de ceux qui nous attaquent", affirmait l'un des manifestants, Jibril Assil.
Aux cris de "Hollande criminel", la manifestation s'est rendue jusqu'en centre-ville, aux portes de la présidence, protégée par des soldats français, a-t-on constaté.La marche s'est dispersée peu après dans le calme.
"Le pays est attaqué par les anti-balaka, la première action de la France a été de caserner les Séléka, au bénéfice des assaillants anti-balaka qui sont maintenant en train de conquérir la capitale", a dénoncé l'un des protestataires, Franck Rocard.
De nombreux musulmans accusent ainsi l'armée française de "partialité" dans ses opérations de désarmement, lui reprochant de les laisser sans défense face à la vindicte populaire des habitants de Bangui --très majoritairement chrétiens--, soumis pendant des mois aux exactions de la Séléka et qui ont aujourd'hui soif de vengeance.
Dimanche, deux manifestations anti-françaises avaient déjà eu lieu, l'une d'elle rassemblant plusieurs milliers de personnes, après la mort le matin-même de trois combattants Séléka, tués dans un accrochage avec des militaires français.
A quelques heures du réveillon de Noël, l'activité était par ailleurs à peu près normale dans la capitale.Quelques magasins diffusaient dans des haut-parleurs des chansons de Noël.Aux carrefours poussiéreux, sous une chaleur écrasante, des vendeurs ambulants proposent des bonnets rouge de père Noël. Pour cause de couvre-feu nocturne, les messes de réveillon auront lieu dans l'après-midi dans les églises et les temples.
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