Côte d'Ivoire: entre eau et broussailles, le mystère Kieffer resurgit

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YAOKRO (Côte d'Ivoire) (AFP) - (AFP)

Des trous dans la terre rouge, des ossements qu'on exhume, et une question: le corps qui a reposé durant plusieurs années dans ce terrain entre eau et broussailles, dans l'ouest ivoirien, est-il celui du journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer, disparu en avril 2004?

"Voilà, c'est ici", lance Dougnon Adé, un paysan du village de Yaokro, situé au bord d'une route bitumée entre les villes de Saïoua et d'Issia (environ 360 km à l'ouest d'Abidjan), au coeur de la région du cacao, dont le pays est premier producteur mondial.

Deux trous ont été fraîchement creusés dans la terre, tout près d'un cours d'eau noirâtre enjambé par un pont.On y arrive par une piste et après avoir traversé broussailles et herbes hautes, dans une chaleur suffocante.

"La tête était là-bas", côté pont, "et puis les pieds ici", côté piste, dit à l'AFP le robuste sexagénaire en désignant les trous: il a participé à l'exhumation des restes vendredi.

Ce jour-là, le juge français Patrick Ramaël a fait procéder à des fouilles et les ossements ont été retirés.Les résultats des analyses ADN, effectuées en France, sont attendus mardi ou mercredi, selon l'épouse du journaliste disparu sur un parking d'Abidjan le 16 avril 2004, et spécialisé dans le cacao.

Les jeunes qui accompagnent Dougnon Adé sont dépassés par la soudaine curiosité pour ce cadavre toujours anonyme: "le corps était là depuis un moment et d'un coup tout le monde s'intéresse à ça", s'étonne l'un d'eux.

Depuis quand reposait-il dans ce coin reculé et verdoyant?Personne ne saurait le dire avec précision.Plusieurs années, en tout cas.

"Au moins cinq ans", tranche le chef du village, Ernest Allou Kouamé, la cinquantaine, installé dans la cour de sa maison où s'affairent femmes et enfants.Mais nul ne sait comment le cadavre s'est retrouvé là.

"Un homme blanc"

Konan N'Goran, un autre planteur, affirme l'avoir découvert."C'était pendant la saison sèche, je suis allé au champ.A mon retour du champ je suis allé au bord de l'eau", raconte ce trentenaire.Sur place, il voit "trois bougies et une machette bien tranchante" dans les herbes puis, plus loin, "un corps dans l'eau".

"Il était pratiquement nu, je ne sais pas si c'est son habit qu'ils ont pris et ont attaché à son cou.C'était un samedi", poursuit-il.

Lui et d'autres villageois prétendent que l'homme était noir.Mais Dougnon Adé, qui était de ceux qui l'ont par la suite inhumé, est catégorique: "c'est un homme blanc" et "grand", assure le paysan.Cependant "son corps, ils ont mis quelque chose dessus", comme du "vernis" ou de la "peinture", décrit-il.

Alerté de la macabre découverte, le chef de Yaokro s'était rendu à la gendarmerie de Saïoua.

"La gendarmerie est venue avec deux agents et un médecin faire les constats.Ils m'ont demandé d'avertir les villages qui sont proches pour qu'ils viennent regarder le corps"."Ils ne l'ont pas reconnu", alors les gendarmes "ont demandé de l'enterrer", se souvient Ernest Allou Kouamé."C'est comme ça que ça s'est passé".

Au bord de l'eau, et dans l'attente des analyses ADN, le mystère reste entier.Dans la disparition de Guy-André Kieffer sont soupçonnés des proches de l'ex-président ivoirien Laurent Gbagbo et de son épouse Simone, arrêtés le 11 avril 2011 après une crise politique meurtrière.

Mais les militaires du secteur ne goûtent guère les conversations entre habitants et journalistes au bord d'une sépulture très sensible: dimanche après-midi, armés de kalachnikov, ils ont débarqué nombreux en pick-up et pris position sur le pont et la rive, bouclant la zone.

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