Des agriculteurs se mobilisent à Rome contre le rachat massif de leurs terres

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ROME (AFP)

Des agriculteurs venus d'Afrique et d'autres pays du Sud se sont mobilisés cette semaine à Rome pour demander à la communauté internationale de stopper le rachat massif de millions d'hectares de terres par les investisseurs privés et gouvernements de pays riches.

"Nous vivons depuis des générations grâce à l'agriculture familiale et nous sommes furieux de voir des gens s'emparer de nos terres, anéantissant aussi nos traditions séculaires", a expliqué à l'AFP Hortense Kinkodila du Congo, venue participer à une action de sensibilisation en marge d'une réunion de la FAO.

Selon Renaldo Chingore, ce qui se passe au Mozambique, son pays, "est un désastre pour les communautés chassées de leurs terres par des firmes internationales et poussées vers des zones non fertiles".

"Cet accaparement des terres a entraîné des émeutes car les paysans locaux n'ont plus été en mesure de produire de la nourriture pour eux et leurs communautés", a ajouté M. Chingore, interrogé devant le siège de la FAO (Organisation de l'ONU pour l'agriculture et l'alimentation).

Des multinationales privées et des entreprises gouvernementales ont acheté ces dernières années des millions d'hectares de terrains agricoles dans les pays pauvres pour satisfaire les besoins croissants des pays développés en biocarburants, céréales ou produits miniers.

Selon un récent rapport de la Banque mondiale (BM), ces acquisitions de terres augmentent à une vitesse vertigineuse depuis 2008 avec 45 millions d'hectares achetés rien qu'en 2009.

Les acquéreurs viennent surtout de Chine, d'Arabie Saoudite, des Etats du Golfe, de Corée du sud, du Royaume-Uni et d'Inde, tandis que la moitié des terres achetées se trouvent en Afrique, notamment au Soudan, au Ghana et à Madagascar, selon la BM qui cite aussi Indonésie et Philippines ainsi qu'Argentine, Brésil et Paraguay parmi les pays "cibles" de ces achats.

Les militants des ONG Oxfam, Via Campesina et Coordination Sud ont dénoncé à Rome un véritable "accaparement des terres", estimant qu'il entraîne une hausse des prix alimentaires et le départ forcé des fermiers, alimentant aussi la corruption.

Selon la BM, au contraire ces investissements peuvent aider les pays dont les terres ne sont pas suffisamment utilisées à se développer, à créer des emplois et à accéder aux nouvelles technologies.

La BM cite ainsi l'exemple du Pérou où le rachat de 235.000 hectares s'est traduit pour le pays par une manne de 36 millions d'euros d'investissements ces 15 dernières années.

"Les partisans de l'accaparement des terres des pays pauvres affirment souvent que cela représente une bonne opportunité pour des zones qui seraient sans cela vides et inutilisées.C'est tout simplement faux", affirme Ian Scoones de l'Institut d'études du développement du Sussex, au Royaume-Uni.

"Les nomades, les petits propriétaires terriens, les travailleurs agricoles ont vu leurs moyens d'existence perturbés et trouver une manière de garantir les droits des agriculteurs locaux sera un long processus", a ajouté M. Scoones.

"Il s'agit souvent de spéculations qui finissent par obliger les paysans à partir et perturbent la vie de la population locale, plus particulièrement si le projet en question ne va pas à bon port et ne produit pas de bénéfice", estime M. Scoones.

Pour prévenir ce genre d'abus, la FAO a proposé un code éthique de comportement, sur une base volontaire, pour une gestion responsable des terres, espérant que cela pourrait mettre un terme à la corruption et à l'exploitation, mais elle n'a pas réussi à convaincre les détracteurs de ces pratiques.

"Ces codes volontaires fonctionnent bien quand vous travaillez avec les bonnes personnes mais tous ne sont pas animés du même esprit civique.Donc en plus de la carotte il faudrait aussi le bâton", estime Ian Scoones.

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