Abdel Fattah al-Sissi, l'homme fort d'Egypte qui a destitué l'islamiste Mohamed Morsi, a démissionné jeudi de son poste de ministre de la Défense au lendemain de l'annonce de sa candidature à la présidentielle pour laquelle il est donné grand favori.
"Enfin...Sissi annonce officiellement sa candidature à la présidentielle" prévue au plus tard en juin, titre le quotidien indépendant Al-Masry al-Youm, au-dessus d'une photo d'Egyptiens en liesse, brandissant le portrait de M. Sissi, l'ex-chef de l'armée qui a troqué mercredi son uniforme de maréchal contre l'habit civil.
Plus sobrement, le quotidien gouvernemental Al-Akhbar affirme que "Sissi a entamé sa marche vers le palais présidentiel".
Ce dernier a remis le matin au Conseil des ministres sa démission de ses postes de ministre de la Défense et de vice-Premier ministre, selon l'agence officielle Mena.
Dans un pays auquel l'armée a fourni tous les présidents -à l'exception de M. Morsi-, M. Sissi incarne l'homme fort, capable de faire revenir la stabilité en Egypte secouée par des crises à répétition et désertée par les touristes depuis la révolte de 2011 qui chassa du pouvoir Hosni Moubarak.
Et c'est sur ce tableau qu'il entend jouer.Dans son allocution télévisée, il a promis de "continuer à combattre tous les jours pour une Egypte débarrassée du terrorisme".
- Nouveaux chefs défense et armée -
Pour le remplacer, le chef d'état-major, le général Sedki Sobhi, a été nommé ministre de la Défense et chef de l'armée.Et le général Mahmoud Higazy, dont la fille a épousé le fils de M. Sissi, a été nommé chef d'état-major.
Depuis l'éviction le 3 juillet de M. Morsi, seul président jamais élu démocratiquement du pays, et l'installation d'un gouvernement intérimaire, policiers et soldats répriment implacablement toute opposition.Cette répression a fait, selon Amnesty International, au moins 1.400 morts.
Parallèlement, des groupes jihadistes ont multiplié les attaques contre les forces de l'ordre qui ont fait plus de 200 morts et un attentat meurtrier a même visé des touristes.
Ces violences ont été attribuées par les autorités intérimaires aux Frères musulmans, la confrérie dont est issue M. Morsi et qu'elles ont déclarée "terroriste".
Il n'y aura ni "stabilité ni sécurité sous une présidence Sissi", a prévenu Ibrahim Mounir, membre du bureau politique des Frères musulmans, joint par téléphone à Londres.La confrérie a démenti être responsable des violences.
Pour Karim Bitar, spécialiste du Moyen-Orient, la déclaration de M. Sissi "faite en treillis militaire et axée sur la 'guerre contre le terrorisme' vient confirmer que l'institution militaire entend assumer à nouveau directement le pouvoir en Egypte, comme elle l'a fait depuis 1952, après le bref intermédiaire Morsi".
"Sissi souhaite profiter de cette grande vague de popularité avant qu'elle ne s'érode du fait des crises économiques et sociales", poursuit-il.
- 'Mesures douloureuses' -
Dans les rues, les avis étaient partagés.Pour Ahmed Ali, ingénieur de 52 ans, "le pays a besoin d'un homme comme lui, une forte personnalité".Ali Amine, 30 ans, semblait plus résigné: "il n'y a pas d'autre alternative: Sissi est trop puissant, il aurait causé des problèmes au futur président".
Mais, selon lui, cette candidature pourrait porter préjudice à l'Egypte car "l'Occident le voit déjà comme un putschiste".Le Caire avait lancé une offensive diplomatique pour convaincre les capitales étrangères que l'éviction de Morsi était une "révolution populaire" et non un "coup d'Etat" comme le clament les Frères musulmans.
M. Sissi a aussi évoqué les dossiers "économiques et sociaux" dans son discours, citant "les millions de jeunes chômeurs".
Fin juin 2013, des millions d'Egyptiens dénonçant notamment la crise économique, avaient manifesté pour réclamer le départ de M. Morsi, obtenu trois jours plus tard des mains de l'armée.
"Pour remettre l'économie d'aplomb, il va falloir restructurer en profondeur et prendre des mesures douloureuses que le gouvernement installé par l'armée a jusqu'ici évité", souligne James Dorsey, spécialiste de l'Egypte.M. Sissi devra en outre "jeter des ponts pour éviter plus de violence".
En destituant M. Morsi, M. Sissi a promis une "transition démocratique" mais lundi un juge a déclenché un tollé international en condamnant à mort lors d'un procès expéditif 529 pro-Morsi.La quasi-totalité des dirigeants des Frères musulmans, à l'instar de M. Morsi, sont poursuivis en justice et encourent la peine de mort.
A la présidentielle dont la date précise n'a pas été encore fixée, M. Sissi a un seul rival pour le moment, le leader de gauche Hamdeen Sabbahi.
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