On les a matraqués, refoulés et ils se sont même fait tirer dessus, mais les militants égyptiens sont revenus dans le centre du Caire pour maintenir la flamme de leur révolution avec cette fois des pinceaux et des pots de peinture.
De loin, la grande avenue Cheikh Rihan, d'ordinaire très encombrée, apparaît étrangement vide et calme.Pas une voiture, pas âme qui vive.
En s'approchant, on réalise qu'une fresque en trompe-l'oeil a reproduit la perspective de la rue avec ses lampadaires et ses arbres sur une barricade de béton édifiée par les forces de l'ordre pour barrer la voie.
La campagne intitulée "pas de murs" vise à utiliser les multiples barricades en blocs de pierres et murs érigés par la police et l'armée pour interdire des rues proches de la célèbre place Tahrir, épicentre du soulèvement qui a renversé le président Hosni Moubarak en février 2011, et site d'innombrables manifestations depuis.
Officiellement, ces murs visent à protéger des bâtiments officiels, souvent pris à partie dans le contexte politique volatile qui règne depuis l'an dernier, et qui pourrait se tendre à nouveau avec l'élection présidentielle prévue fin mai.
Mais pour les manifestants, ils témoignent d'une volonté de morceler le quartier afin d'empêcher les cortèges de protestation contre l'actuel pouvoir militaire de se déplacer d'une rue à l'autre.
La réponse au béton se fait à coups de pinceaux, mêlant humour, espoirs et colère.
"Nous n'avons pas fait une révolution pour en arriver à ce qu'ils (les forces de l'ordre) construisent des murs de séparation", affirme Ammar Abou Bakr, professeur à l'université des Beaux-Arts de Louxor (sud).
"Notre campagne est non-violente, il s'agit juste de faire des brèches dans ces murs grâce à des dessins", ajoute-t-il.
De nombreuses palissades barrant les rues ou des murs d'immeubles du centre ville sont devenus de véritables fresques où l'on retrouve pêle-mêle des caricatures des généraux au pouvoir et des portraits des jeunes "martyrs" de la révolution.
Une ballerine faisant des pointes, une femme en robe noire traditionnelle portant une bonbonne de gaz sur la tête, des loups, des serpents à tête humaine et autres personnages ornent aussi désormais les rues du centre-ville.
"Notre révolution est pacifique.S'ils jouent avec les murs, nous jouons avec les esprits.Ils dressent des murs, mais nous faisons en sorte qu'on ne les voie plus" affirme Amr Nazir, un autre dessinateur.
Jouant au chat et à la souris avec les autorités, les artistes peignent à toute allure avant que leurs oeuvres ne soient effacées.
"Les autorités n'acceptent pas les mouvement de graffitis, pas seulement en Egypte mais dans le monde entier.Nous tentons d'introduire un nouveau style, de nouveaux sujets", affirme Alaa Awad, un autre professeur des Beaux-Arts de Louxor.
Lui a décidé de peindre un sujet inspiré d'une page de la Description de l'Egypte, la monumentale encyclopédie réalisée par les savants de l'expédition de Napoléon Bonaparte, dont un des rares exemplaires a disparu dans l'incendie d'un institut historique en décembre près de Tahrir.
Mais peu après la fresque terminée, des manifestants ont fait tomber les blocs de béton qui lui servaient de support.Non pour détruire la peinture, mais pour abattre ce mur situé près du siège du gouvernement, emblématique de la volonté du pouvoir de protéger ses institutions.
D'autres murs ont été décorés de portraits de Samira Ibrahim, jeune manifestante qui accuse l'armée de pratiquer des "tests de virginité" sur les femmes arrêtées lors des rassemblements contre pouvoir militaire.
Une peinture la représente, le regard rebelle, au-dessus de soldats ayant tous le visage du médecin militaire poursuivi par Samira, récemment relaxé par la justice militaire.
Un peu plus loin une série de portraits de personnes tuées durant les manifestations, portent des ailes de couleur vive, symbolisant, explique Ammar Abou Bakr, "les martyrs, les saints et les anges" dans l'art pictural des Coptes (chrétiens d'Egypte).
Cette forme d'art libre dans la rue attire désormais de nombreuses personnes dans le centre ville, qui prennent des photos et posent devant les graffitis et oeuvres murales.
"Je suis passé dans la rue et j'ai reconnu les portraits de martyrs", raconte Gamal al-Sayyed, un consultant en informatique."Comme le montre le graffiti, ils sont maintenant devenus des anges".
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