Egypte: la Constituante vote sur les pouvoirs controversés de l'armée

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Le Caire (AFP)

Le sujet épineux des pouvoirs de l'armée en Egypte était au coeur dimanche du vote final d'une commission chargée de rédiger une nouvelle Constitution avant un référendum, première étape d'une transition démocratique promise par les militaires.

Le 3 juillet, la toute puissante armée a destitué et arrêté le président islamiste Mohamed Morsi, premier chef de l'Etat élu démocratiquement en Egypte, suspendu la Constitution et nommé un gouvernement intérimaire chargé, outre d'élaborer une nouvelle loi fondamentale, d'organiser des élections législatives et présidentielle en 2014. 

Et depuis mi-août, ce pouvoir dirigé de facto par les militaires mène une répression extrêmement sanglante des partisans de M. Morsi, issu de la confrérie des Frères musulmans.

Or, des articles controversés du projet de Constitution maintiennent à l'armée des pouvoirs exorbitants du droit commun, selon les organisations de défense des droits de l'Homme.

Au lendemain de l'adoption à une très large majorité des 138 premiers articles de la Constitution (sur 247), les membres d'un "Comité des 50" chargé de la révision de la Loi fondamentale devraient, sauf surprise, voter en faveur de ces articles.

Le plus polémique est l'article 204 qui autorise les militaires à juger des civils "en cas d'attaque directe contre les forces armées", notamment contre "leurs équipements et leur personnel". 

La fin des procès de civils devant des tribunaux militaires était au c�?ur des revendications de la révolte de 2011 qui a chassé du pouvoir le président Hosni Moubarak.

 

Budget militaire à l'abri

Les défenseurs des droits de l'Homme dénoncent le maintien de cette mesure issue des Constitutions précédentes, redoutant que "l'attaque directe" mentionnée dans l'article ne soit interprétée par les juges au sens le plus large, ouvrant la voie à de nombreuses poursuites.

Mais pour Mahmoud Badr, représentant du mouvement Tamarrod, à l'origine des manifestations monstres fin juin contre M. Morsi et acquis aux nouvelles autorités, "la formulation actuelle limite les procès militaires de civils".

Depuis le 3 juillet, trois journalistes ont écopé de peines de prison devant de tels tribunaux, tandis qu'une soixantaine de membres des Frères musulmans ont été condamnés à de lourdes peines, dont un à la réclusion à perpétuité, par des juges militaires.

En outre, le budget de l'armée reste à l'abri de tout droit de regard civil, le seul habilité à en discuter étant le Conseil national de la Défense, qui comprend 14 membres, dont huit militaires, le ministre de l'Intérieur et des responsables gouvernementaux.

Quant au ministre de la Défense, durant les deux mandats présidentiels à venir -soit huit ans- il ne pourra être nommé qu'en accord avec le Conseil suprême des forces armées (CSFA), selon le texte qui doit être voté dimanche.

L'actuel ministre de la Défense, le général Abdel Fattah al-Sissi, chef de l'armée et vice-Premier ministre, est le véritable homme fort du pays où la répression des partisans des Frères musulmans a fait depuis la mi-août plus d'un millier de morts.

"Constitution du futur"

 

Pour Hassan Nafaa, professeur de Sciences politiques à l'Université du Caire, la vraie question se posera au moment du référendum car "il est toujours difficile d'obtenir une large majorité dans un pays divisé".

"Les gens ne voteront pas en fonction de leur opinion sur le texte mais plutôt en fonction du camp auquel ils appartiennent", dit-il.En outre, les articles concernant l'armée "alimenteront le débat parmi les laïcs que la loi sur les manifestations a déjà mis en colère".

Des dizaines d'entre eux ont été arrêtés mardi pour avoir manifesté contre l'article 204, en application d'une nouvelle loi interdisant tout rassemblement non autorisé.

Deux figures de proue des mouvements laïcs de la jeunesse ont fait aussi les frais de cette loi: Alaa Abdel Fattah a été arrêté, accusé d'avoir organisé ce rassemblement contre les procès militaires de civils, et Ahmed Maher s'est rendu à la justice pour répondre d'une manifestation dénonçant la mort de manifestants fin 2011.

Le "Comité des 50" devrait reprendre ses travaux dans l'après-midi. 

Une fois tous les articles adoptés, le texte final sera remis au président par intérim Adly Mansour qui aura un mois pour annoncer un référendum, selon la feuille de route établie par l'armée pour encadrer la transition post-Morsi qui doit s'achever à l'été 2014 avec des élections législatives puis présidentielle.

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