Avec trois attentats qui ont tué sept personnes lundi, au lendemain de heurts ayant fait 51 morts civils en marge de manifestations islamistes essentiellement au Caire, le spectre d'un nouveau cycle de violences hante l'Egypte.
Car en dépit d'une répression implacable dont ils sont la cible dans la rue, les partisans du président islamiste Mohamed Morsi, destitué et arrêté par l'armée il y a trois mois, ont juré d'intensifier leurs manifestations contre le "coup d'Etat".
Après une trêve relative dans les dispersions extrêmement sanglantes de leurs rassemblements par les soldats et les policiers, cette nouvelle hécatombe suivie des attentats de lundi font redouter non seulement une spirale de vengeances de la part de groupes radicaux mais aussi un enlisement dans la crise économique, au moment même où les pays occidentaux commencent à autoriser de nouveau les tour operators à proposer l'Egypte à leurs clients.
L'un des attentats, une voiture piégée qui a tué deux personnes devant un commissariat de police à Al-Tur, a justement été perpétré dans le sud de la péninsule du Sinaï, au coeur des stations balnéaires de la mer Rouge, dont la célèbre Charm el-Cheikh où les touristes sont de retour après une longue absence.
A Ismaïliya, sur le canal de Suez, cinq soldats ont été tués par des inconnus qui ont ouvert le feu sur leur patrouille, dans une région qui, comme le Sinaï, est le théâtre d'une multiplication des attaques de groupes d'insurgés islamistes, dont certains ont fait allégeance à Al-Qaïda.
Enfin, dans la nuit de dimanche à lundi, des roquettes tirées par des inconnus ont endommagé l'une des gigantesques antennes d'un centre de communication satellitaire à Maadi, un quartier huppé du Caire.
Ces attaques interviennent au lendemain de manifestations réclamant le retour du président Morsi au cours desquelles au moins 51 personnes ont trouvé la mort, autorités et pro-Morsi s'accusant mutuellement d'avoir ouvert le feu.
M. Morsi, premier président élu démocratiquement en Egypte, a été destitué et arrêté le 3 juillet par l'armée après que des millions de manifestants eurent réclamé son départ, lui reprochant d'accaparer les pouvoirs au profit de sa puissante confrérie des Frères musulmans et de vouloir islamiser de force la société égyptienne.
Depuis le 14 août, les autorités mises en place par les militaires ont tué plus d'un millier de manifestants pro-Morsi et arrêté plus de 2.000 Frères musulmans, dont la quasi-totalité de leurs leaders.
Dimanche au Caire, les manifestants pro-Morsi, "pacifiques" selon eux, ont "été attaqués de sang-froid par les forces du coup d'Etat qui ont tiré pour tuer", a affirmé lundi l'Alliance pour la Démocratie et contre le coup d'Etat, une coalition menée principalement par les Frères musulmans.
"Des heurts ont éclaté entre des résidents et des Frères musulmans qui ont voulu gâcher les célébrations de la victoire du 6 Octobre (1973, la guerre israélo-arabe) avec des armes et de la chevrotine, faisant 47 morts", rétorque au contraire le ministère de l'Intérieur dans un communiqué, ajoutant: "Les forces de sécurité ont réussi à s'interposer et contrôler" les affrontements entre résidents et islamistes.
"La police a fait usage uniquement de gaz lacrymogènes, nous n'utilisons que des gaz", a assuré pour sa part à l'AFP le général Ayman Helmi, porte-parole du ministère.
Quatre autres personnes ont péri en marge de manifestations dans d'autres villes du pays dimanche.
Au-delà des accusations réciproques, des journalistes de l'AFP ont constaté au Caire que des résidents provoquaient, voire tiraient sur des manifestants quand ils passaient dans leurs quartiers, lesquels ripostaient parfois.
L'armée, le gouvernement, la quasi-totalité des médias et une large majorité de la population qualifient désormais les Frères musulmans et les partisans de M. Morsi de "terroristes".
Des policiers anti-émeute et d'autres en civil et armés prenaient ensuite en chasse les pro-Morsi et les tabassaient copieusement, aux côtés de résidents, quand ils parvenaient à les attraper.
Alors que le pays est sous état d'urgence depuis le 14 août et que la capitale est soumise à un couvre-feu nocturne et parsemée de barrages de militaires équipés de blindés, le déploiement des troupes était encore plus impressionnant depuis dimanche que d'ordinaire.
Et les violences risquent de s'intensifier car l'Alliance pour la démocratie et contre le coup d'Etat, qui rassemble les pro-Morsi sous la houlette des Frères musulmans, a appelé lundi "tous les Egyptiens à manifester massivement dans des marches non-violentes" contre le "régime insensé, fasciste et oppresseur qui divise le peuple égyptien".
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