Les premiers résultats de la présidentielle en Egypte laissent déjà entrevoir la victoire écrasante prédite depuis des mois d'Abdel Fattah al-Sissi, l'ex-chef de l'armée qui a chassé les islamistes du pouvoir, le maréchal recueillant plus de 93% des voix dans 15% des bureaux.
L'élection de l'actuel homme fort de l'Egypte, qui a destitué et fait emprisonner il y a 11 mois l'islamiste Mohamed Morsi, premier président élu démocratiquement en Egypte, ne faisait aucun doute.
Car il jouit d'un véritable culte de la personnalité depuis que le gouvernement intérimaire qu'il a installé procède à une répression féroce et sanglante des partisans de M. Morsi, notamment de la confrérie islamiste des Frères musulmans, et il n'est confronté qu'à un unique et pâle adversaire à la présidentielle, le leader de la gauche Hamdeen Sabbahi.
La participation est la seule inconnue et le seul enjeu de ce scrutin joué d'avance, M. Sissi ayant répété jusqu'à l'obsession des mois durant qu'il ne souhaitait prendre la tête de l'Egypte que s'il était assuré d'un adoubement populaire massif.Il a dit au cours de sa campagne espérer recueillir les voix d'au moins 45 millions des 53 millions d'électeurs.
Or, mardi soir, la commission électorale, nommée par le gouvernement que M. Sissi dirige de facto, avait décidé de prolonger de 24 heures le scrutin prévu initialement sur deux jours, s'inquiétant d'un taux de participation de seulement 37%.Invoquant la "chaleur" qui aurait dissuadé nombre d'électeurs de se rendre aux urnes, elle a déclenché les critiques et les sarcasmes des organisations de défense des droits de l'Homme, dénonçant une "farce" après avoir souligné l'absence de toute opposition, dont les représentants sont interdits, tués ou emprisonnés depuis la destitution de M. Morsi le 13 juillet 2013.
Trois heures après le début des dépouillements, la télévision d'Etat Nile TV avait recensé 4.215.699 suffrages pour M. Sissi (93,3%), contre 133.548 (2,95%) pour M. Sabbahi, le score de ce dernier étant lui-même inférieur au nombre des bulletins nuls (3,69%).Le tout dans quelque 2.000 bureaux de vote sur les 13.899 que compte le pays (près de 15%).
Même si ces résultats sont tout à fait officieux, toutes les chaînes de télévision avaient dépêché leurs troupes dans les bureaux de vote et en égrenaient les comptages précis au fil des heures.
Dès lundi soir, présentateurs et éditorialistes des médias égyptiens unanimement promoteurs de la véritable Sissi-mania qui s'est emparée de l'Egypte il y a 11 mois, rivalisaient d'imagination pour inciter les gens à aller voter, alternant supplications et menaces, tandis que se multipliaient les rumeurs sur de possibles amendes ou poursuites en justice pour les abstentionnistes.
"Personne hors d'Egypte ou en Occident n'a jamais cru qu'il s'agissait d'une élection libre et juste", a estimé jeudi Shadi Hamid, chercheur au Saban Center américain.
Mais avec la prolongation du scrutin, "le régime apparaît comme incompétent et ne cachant pas son cynisme, ce qui va galvaniser les Frères musulmans qui diront qu'ils dénonçaient cela depuis le début", a-t-il prédit.
La confrérie de M. Morsi -principale cible de la répression qui a fait plus de 1.400 morts, s'est accompagnée de quelque 15.000 arrestations et de centaines de condamnations à mort expéditives- a estimé mercredi que son appel au boycott était "une nouvelle gifle" donnée au pouvoir de Sissi et signait le "certificat de décès du coup d'Etat militaire" du 3 juillet.
Pour le politologue Gamal Abdel Gawad, M. Sissi n'avait "pas besoin de placer la barre si haut en termes de participation, car quand le résultat d'un scrutin ne fait aucun doute, il n'y a pas grand-chose à faire pour inciter les gens à se déplacer pour voter".De fait, mercredi, plusieurs bureaux de vote visités par l'AFP au Caire étaient déserts.
Hamdeen Sabbahi a fait un temps planer la menace de se retirer de la course mardi soir mais s'est maintenu tout en dénonçant une prolongation du vote "pour manipuler le taux de participation et les résultats".
Dans ce scrutin joué d'avance, M. Sabbahi apparaît cependant de plus en plus comme un faire-valoir au mieux résigné, au pire consentant, tandis que l'opposition islamiste a été rayée de la carte politique et les figures laïques de la révolte de 2011 contre Hosni Moubarak emprisonnées ou poursuivies en justice.
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