L'Afrique du Sud est tombée lundi dans la catégorie spéculative après la dégradation de sa note par l'agence Standard & Poor's, une décision qui fait planer davantage d'incertitude sur l'économie nationale déjà chamboulée par un remaniement ministériel controversé.
L'économie la plus industrialisée du continent est désormais notée BB+, le premier rang des catégories spéculatives par Standard & Poor's qui blâme "l'incertitude politique et institutionnelle".
"Les changements lancés par le président Zuma au sein de l'exécutif font peser des risques sur les perspectives de croissance et de stabilité budgétaire", a signifié l'agence dans un communiqué.
Dans sa ligne de mire: un remaniement ministériel de grande ampleur conduit par le président Jacob Zuma dans la nuit de jeudi à vendredi.
Au total, dix ministres et autant de vice-ministres, la plupart classés parmi les fidèles de M. Zuma, ont été nommés.
Pravin Gordhan, ministre des Finances respecté des marchés, champion de la lutte contre la corruption et adversaire n°1 de Jacob Zuma au sein du gouvernement, a été la principale victime de ce coup de force, remplacé par Malusi Gigaba, un proche du chef de l'Etat.
La note souveraine de l'Afrique du Sud, sous la menace d'une dégradation depuis plusieurs mois en raison de ce climat politique précaire, n'a pas survécu à ce coup de grâce.
"Cette annonce est un appel aux Sud-Africains (...) à accélérer la croissance inclusive et le développement.Réduire la dépendance aux capitaux étrangers pour financer l'investissement (...) permettra d'assurer la souveraineté et l'indépendance économique du pays", a réagi le nouveau ministre des Finances dans un communiqué.
Ce remaniement ministériel a été sévèrement sanctionné par les marchés financiers qui appréciaient la droiture de Pravin Gordhan.Le rand sud-africain perdait lundi soir 2% face au dollar après avoir déjà essuyé de lourdes pertes (-5%) face au billet vert depuis vendredi.
L'agence Moody's, qui classe pour l'heure l'Afrique du Sud, deux crans au-dessus des catégories spéculatives (Baa2), a annoncé lundi soir placer le pays sous surveillance en vue d'une potentielle dégradation.
"Cette décision a été prise suite au changement abrupt dans le leadership d'institutions-clés du gouvernement", justifie l'agence dans un communiqué.
- Crise politique -
Et à cette incertitude économique s'ajoute une crise politique.Le grand coup de balai au sein du gouvernement n'a pas fait que des heureux au sein du Congrès national africain (ANC), le parti au pouvoir, plus que jamais divisé.
Lundi, selon des médias locaux, la commission d'intégrité de l'ANC, s'est dite "profondément perturbée" par l'absence de consultation précédant le remaniement.
Vendredi, le vice-président Cyril Ramaphosa en personne avait même qualifié d'"inacceptable" le limogeage de Pravin Gordhan.
Lundi soir, Mmusi Maimane, le leader du principal parti d'opposition, l'Alliance démocratique (DA), a estimé que la décision de Standard & Poor's était un "vote clair de défiance contre le président Zuma".
Plus tôt dans la journée, il avait appelé aux côtés de quatre autres formations d'opposition, dont les Combattants pour la liberté économique, à l'organisation d'un vote de défiance devant le parlement pour faire partir Jacob Zuma.
"Il ne s'agit pas d'un exercice académique.Nous sommes sérieux, nous travaillons pour que Jacob Zuma parte", avait lancé M. Maimane au cours d'une conférence de presse commune.
Dimanche, la présidente du Parlement, Baleka Mbete, est rentrée en toute hâte d'un voyage au Bangladesh pour étudier la demande d'organiser un tel vote.
"Je perçois les défis extrêmes et le sentiment d'anxiété que traverse notre jeune démocratie actuellement", a-t-elle déclaré.
Si Jacob Zuma a survécu à plusieurs votes de défiance depuis l'an dernier, les divisions profondes de sa majorité pourraient aujourd'hui rebattre les cartes.
L'ANC possède une confortable majorité au parlement (249 sièges sur 400), mais l'opposition doit seulement "retourner" 50 parlementaires pour obtenir la majorité simple nécessaire au succès de sa motion.
"Je ne vois pas les députés de l'ANC se diviser, cela donnerait trop d'importance à l'opposition.Même ceux qui n'aiment pas Zuma ne veulent pas cela", relativise néanmoins auprès de l'AFP l'analyste indépendant Daniel Silke.
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