Le chef de la diplomatie française Laurent Fabius se rend dimanche en Centrafrique, pays au bord du gouffre livré aux pillards et menacé d'implosion, pour braquer les projecteurs sur une crise que la France veut voir réglée par la communauté internationale.
Dans ce dossier africain longtemps éclipsé par le Mali, Paris est en position d'équilibriste: en première ligne compte tenu des liens historiques avec son ex-colonie et de sa présence militaire sur place, mais désireux d'impliquer l'Afrique et l'ONU pour tenter de régler une situation explosive à tous égards.
Pays parmi les plus pauvres du monde et en crise depuis des années, la République centrafricaine s'est enfoncée dans la violence et le chaos depuis la chute en mars du président François Bozizé, renversé par une coalition hétéroclite de rebelles, la Séléka, aujourd'hui officiellement dissoute.
Le pays est livré à des chefs de bande et des mercenaires étrangers, l'Etat s'est effondré et les violences menacent de prendre un tour religieux entre chrétiens, qui constituent la majorité de la population de 5 millions d'habitants, et musulmans.
Des affrontements entre hommes de la Séléka et paysans exaspérés par les exactions des ex-rebelles ont encore fait des dizaines de mort en début de semaine dans le nord-ouest.
"La Centrafrique c'est un petit pays mais qui cumule toutes les difficultés et tous les malheurs", déclarait récemment M. Fabius, rappelant les exactions, viols, meurtres, les 400.000 déplacés et le tiers de la population ayant besoin d'une aide humanitaire d'urgence.
"Il y a un cocktail explosif en Centrafrique, et nous craignons que ce pays ne crée un appel d'air pour tous les groupes armés de la zone", souligne une source diplomatique française, évoquant la présence de mercenaires tchadiens et soudanais, de la sanglante rébellion ougandaise Armée de résistance du Seigneur (LRA).Sans compter la probable arrivée de jihadistes chassés du Mali ou d'éléments de la secte nigériane Boko Haram.
"C'est le bordel", résume cette source, estimant toutefois qu'il est "encore temps d'agir".
Mobiliser la communauté internationale
Lors de sa visite de quelques heures à Bangui dimanche, Laurent Fabius rencontrera le président Michel Djotodia, ancien chef de la Séléka qui tente désormais de prendre ses distances avec ses compagnons d'armes, et le Premier ministre Nicolas Tiangaye.Il compte insister sur la nécessité de respecter la feuille de route qui prévoit une transition de 18 mois.
Il s'entretiendra également avec les représentants de la communauté française --il reste moins de 600 Français à Bangui--, verra les militaires français --400 hommes basés à l'aéroport-- ainsi que les représentants de la Misca la force africaine déployée en Centrafrique, qui doit compter à terme 3.600 hommes mais dont seuls 2.000 sont déployés sur le terrain jusqu'à présent.
Cette visite interviendra trois jours après le vote à l'ONU d'une résolution initiée par la France, qui ouvre la porte à l'envoi de Casques Bleus en Centrafrique d'ici plusieurs mois.
"Ce n'est pas évident, car la RCA n'intéresse pas, les gens savent à peine où c'est.Mais nous ne voulons plus du face à face entre la France et l'Afrique, nous voulons régler ces crises collectivement.Notre boulot, c'est de mobiliser la région, l'Afrique, et l'ONU, car si on agit collectivement, on peut régler cette crise", insiste une source diplomatique.
Paris n'exclut pas d'augmenter à l'avenir le nombre de ses soldats, jusqu'à 700 hommes, mais "nous serons là en appui" d'une force ayant un mandat clair et robuste, souligne-t-on.
La France essaye également de mobiliser ses partenaires européens et les convaincre de mettre la main au portefeuille."La RCA est sur le radar, c'est déjà ça.Mais pour le moment ni la France ni les Africains de la Misca n'ont vraiment l'envie d'aller faire le coup de feu, et le gouvernement de Djotodia flotte.Or tant que la situation sécuritaire n'est pas réglée, il n'y a rien qu'on puisse faire", estime Thierry Vircoulon, de l'International Crisis Group.
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