Le tribunal correctionnel de Paris a condamné jeudi à 60.000 euros d'amende et environ 700.000 euros de dommages et intérêts une association et une entreprise en bâtiment pour l'incendie d'un immeuble vétuste dans lequel étaient morts 17 personnes d'origine africaine en 2005, dont 14 enfants.
Sans surprise, ce jugement a été accueilli avec "frustration" tant par les proches des victimes que par les condamnés, qui déploraient que les "vrais coupables" aient échappé à la justice.
Le ou les auteurs de l'incendie, criminel selon les experts, n'ont jamais été retrouvés et l'Etat, que les familles accusent d'avoir failli à son obligation de les reloger, n'était pas parmi les prévenus.
Seules deux "personnes morales" ont donc été condamnées.
L'association qui gérait cet immeuble du boulevard Vincent Auriol (XIIIe arrondissement), "France Euro Habitat" (Freha), affiliée à Emmaüs, et l'entreprise Paris banlieue construction (PBC), qui y avait effectué des travaux, ont été condamnées à 30.000 euros d'amende chacune.
Elles devront aussi payer, via leurs assurances, plus de 700.000 euros de dommages et intérêts aux parties civiles et rembourser quelque 2 millions d'euros à la Sécurité sociale et au Fonds de garantie (qui indemnise les victimes d'infractions).
Au procès, qui s'était tenu en septembre-octobre, le parquet avait requis 35.000 euros d'amende à l'encontre de Freha, 55.000 euros contre PBC.
Le procureur avait mis en avant des "négligences graves", en reprochant en particulier aux prévenus d'avoir posé sur les murs de la cage d'escalier du contreplaqué, hautement inflammable, qui avait transformé l'immeuble "en cercueil".
Les panneaux de bois devaient au départ empêcher les enfants de tomber malades, le plomb présent dans les murs du vieil immeuble menaçant ses occupants de saturnisme.
"permis de tuer"
Dans son jugement, le tribunal estime que Freha a "totalement perdu de vue son obligation générale de sécurité", tandis que la société PBC, travaillant plus généralement dans "la maçonnerie, le carrelage et le plâtre", n'avait "aucune compétence particulière" pour poser ce type de matériau.
L'accusation avait aussi mis en avant le non-respect d'autres "normes élémentaires de sécurité", l'absence d'extincteurs ou de consignes incendie.
Selon les experts, le feu avait pris sous l'escalier, où étaient rangées des poussettes, et s'était engouffré dans les appartements dont les portes et fenêtres étaient ouvertes.Il faisait chaud, c'était dans la nuit du 25 au 26 août.
Il y avait dans le bâtiment environ 130 personnes, originaires de Côte d'Ivoire et du Mali principalement, en attente de relogement et installées "provisoirement" dans cet immeuble depuis une quinzaine d'années.
Cette affaire "n'a intéressé personne", a protesté jeudi Tappa Kanouté, porte-parole des familles, déplorant des amendes trop faibles selon lui et un "jugement de complaisance", dans "la droite ligne d'une enquête bâclée".
C'est "un permis de tuer" donné aux gestionnaires d'immeubles insalubres, a-t-il lancé, tandis qu'un des avocats des familles, Olivier Tiquant, se félicitait néanmoins de constater que "l'argument humanitaire" avancé par Freha n'avait pas convaincu la justice.
Jacques Oudot, qui représentait Freha au procès, s'est déclaré "meurtri par ce drame", mais aussi "amer".L'association, a-t-il dit, a fait ce qu'elle a pu "avec les moyens que lui avait donnés l'Etat"."On nous a laissé tomber", a-t-il estimé.
En 2005, plusieurs incendies avaient fait 52 morts à Paris, pour la plupart des personnes d'origine africaine.
Six ans après, l'insalubrité et le logement indigne ont décru dans la capitale, mais sans disparaître, certaines familles parmi les plus précaires restant à la merci de propriétaires peu scrupuleux.
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