Le dénouement de la crise post-électorale qui secoue le Gabon repose désormais sur la Cour constitutionnelle et son influente présidente, Marie-Madeleine Mborantsuo, sous haute pression pour valider ou non les résultats provisoires donnant le président sortant Ali Bongo Ondimba vainqueur.
"L'avenir du pays est entre ses mains", affirment aujourd'hui en coeur journaux et Gabonais de tous bords politiques, qui retiennent leur souffle en attendant le verdict de la Cour, attendu au plus tard le 23 septembre.
La "Tour de Pise", comme la surnomme l'opposition, penchera-t-elle une nouvelle fois du côté du pouvoir pour mettre fin au bras de fer entre Ali Bongo et son rival, l'ex-baron du régime Jean Ping qui revendique lui aussi la victoire ?
En 2009, l'institution avait rejeté les 11 requêtes en annulation introduites par le principal opposant d'alors, André Mba Obame, et validé l'élection de M. Bongo qui a succédé à son défunt père Omar, resté 41 ans au pouvoir.
"Sans illusion" et malgré de fortes réticences internes, le camp Ping a déposé le 8 septembre un recours pour demander un nouveau décompte des voix dans la province du Haut-Ogooué (sud-est), comme le réclamait de la communauté internationale, favorable à la "voie légaliste" pour sortir le pays de l'impasse.
C'est le fief familial de la famille Bongo, où le président a obtenu plus de 95% des voix avec un taux de participation proche de 100%, qui lui a permis de remporter la victoire d'une très courte tête (moins de 6.000 voix).
Au coeur de la tourmente, un nom est désormais sur toutes les lèvres: Marie-Madeleine Mborantsuo, aussi surnommée "3M", l'indéboulonnable présidente de la Cour constitutionnelle depuis plus de 20 ans, qui est régulièrement accusée par l'opposition de collusion avec le pouvoir.
A 61 ans, elle cumule les titres - magistrat hors hiérarchie, commandeur de la légion d'honneur française - et les diplômes - DEA en droit constitutionnel de l'Université Paris II Panthéon Sorbonne, doctorat en droit à Aix en Provence.
- Choix cornélien -
Son parcours illustre bien la confusion entre business, famille et politique qui caractérise le "système Bongo" depuis plusieurs décennies: cette ancienne "Miss" du Haut-Ogooué, sa région natale, fut une des nombreuses liaisons d'Omar Bongo, qui lui a donné deux enfants et l'a placée à la tête de la Cour dès 1998.
Certains médias gabonais lui prêtent un important patrimoine immobilier au Gabon et à l'étranger.
Quel que soit le sens dans lequel la présidente et les huit autres juges de la Cour tranchent le contentieux électoral, leur choix s'annonce d'ores et déjà cornélien.
La proclamation le 31 août des résultats provisoires du scrutin à un tour du 27 août avait déclenché des émeutes meurtrières et des pillages dans tout le pays.Chez les partisans de Ping, on promet déjà qu'"on ne se laissera pas faire: la seule option est qu'Ali dégage".
"Nous sommes tous en attente, nous avons les regards tournés vers la Cour constitutionnelle.Nous attendons ce qu'elle dira et en bons républicains nous sommes tout à fait disposés à appliquer les instructions de la Cour, à mettre en oeuvre les décisions de la Cour", a déclaré lors d'un point presse le secrétaire général du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir), Faustin Boukoubi.
"Personne ne voudrait être à la place de Mme Mborantsuo en ce moment", analyse une source diplomatique: "elle est soumise à d'énormes pressions des deux camps".
Sur neuf juges, trois - dont Mme Mborantsuo - ont été nommés par chef de l'Etat, trois par le président du Sénat et trois par l'ancien président de l'Assemblée nationale Guy Nzouba Ndama, qui a basculé en début d'année dans l'opposition pour devenir un des principaux soutiens de Jean Ping.
Autre élément susceptible de brouiller les pistes: ces derniers mois, la presse gabonaise a fait état à plusieurs reprises d'un rapprochement supposé entre le courant de M. Nzouba Ndama et la présidente de la Cour, qui serait "tombée en disgrâce" auprès d'Ali Bongo.
La magistrate a en tous cas la lourde tâche de mettre en application un ouvrage dont elle est l'auteure : "La contribution des Cours constitutionnelles à l'Etat de droit en Afrique".
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