Démissions fracassantes du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir depuis 46 ans), opposition en quête d'unité et d'un leader: les grandes manoeuvres politiques ont commencé à Libreville dans la perspective de la présidentielle de 2016.
C'est Jean Ping, ancien président de la Commission de l'Union africaine et de l'Organisation de pays exportateurs de pétrole (OPEP) - mais surtout bras droit pendant des années du défunt Omar Bongo Ondima -, qui a mis le feu aux poudres dans le petit monde politique gabonais en quittant avec fracas le PDG au début de l'année.
"C'est très très clair que je n'ai plus rien à voir, absolument rien à voir, avec les autorités en place", a lancé M. Ping - plutôt discret ces dernières années - lors d'une apparition publique très remarquée à une réunion de l'opposition.
Dans sa lettre officielle de démission, cette personnalité très connue sur la scène diplomatique internationale a enfoncé le clou: "notre pays aujourd'hui est semble-t-il divisé entre ceux d'en haut et ceux d'en bas".
Lors de la présidentielle de 2009 qui a vu succéder Ali Bongo Ondimba à son père, plusieurs hauts cadres du parti avaient déjà tourné casaque, emmenés par un protégé du défunt président, l'ex-ministre de l'Intérieur André Mba Obame, pour créer un nouveau parti d'opposition, l'Union nationale.
Dans la foulée de Jean Ping, un autre éléphant du parti, Jacques Adiahénot - tout puissant secrétaire général du PDG pendant l'ère qui a vu la fin du parti unique au début des années 90 - a lui aussi annoncé son départ du PDG.
Il a tenu à "féliciter et à remercier (son) cher aîné, Jean Ping qui a eu le courage d'ouvrir une voie".
"Malheureusement, depuis quelques années, le sectarisme, l'exclusion et l'argent facile prévalent sur les valeurs de solidarité et du vivre ensemble", a affirmé M. Adiahénot.
"Je suis devenu un opposant", a-t-il assuré: "Celui qui est au pouvoir a toutes les manettes, alors à nous (...) de nous retrouver pour mettre en place une stratégie commune et efficace".
Interrogé par la presse lors du 46e anniversaire du PDG, le 15 mars, le chef de l'Etat a relativisé: "Ce sont des choses qui sont déjà arrivées par le passé sans que cela n'ébranle le parti".
"Pour le nombre de démissions que nous avons, vous avez vu le nombre de gens qui nous rejoignent?(...) la vie continue, le parti est un grand parti et nous avons souvent enregistré par la suite des retours", a assuré le président, allusion cruelle aux multiples retournements de veste qui jalonnent l'histoire politique gabonaise.
Pour le politologue Wilson-André Ndombet, en revanche, "il est désormais clair que le parti prend l'eau".
Certains caciques de l'époque d'Omar Bongo veulent "se venger de la politique actuelle d'Ali, qui consiste à virer les gérontocrates" pour installer ses hommes aux postes clés, estime-t-il.
- L'opposition cherche un messie -
Beaucoup au Gabon ont cru déceler dans la démission de M. Ping une possible candidature à la présidentielle de 2016.
"L'opposition est moribonde, elle se cherche un messie pour battre Ali Bongo en 2016", analyse Wilson-André Ndombet.
L'Union nationale, devenu le principal parti d'opposition, a été dissoute par les autorités en 2011, alors qu'André Mba Obame refusait de reconnaitre sa défaite à la présidentielle face à son adversaire Ali Bongo.Depuis deux ans, M. Mba Obame a dû abandonner l'arène politique en raison de graves problèmes de santé, et aucune figure n'a émergé depuis.
Autre grand courant de l'opposition, l'Union du peuple gabonais (UPG) de Pierre Mamboundou ne s'est pas relevée la mort de son leader charismatique en 2011, et est aujourd'hui déchirée par des luttes intestines de succession.
Jean Ping, avec son carnet d'adresses bien rempli et sa stature internationale, peut-il fédérer autour de lui?
"Pas si sûr", estime M. Ndombet: "il est plus populaire à l'étranger qu'au Gabon, où il a déjà été battu dans son propre fief électoral".
Mais "il y a un risque pour le PDG en cas de nouvelles défections: ces barons ont une base électorale" provinciale.
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