La vie a repris lundi au Gabon dans un calme précaire après une paralysie totale de l'économie due à l'élection présidentielle du 27 août et aux violences meurtrières accompagnées de pillages massifs qui ont suivi l'annonce de la réélection contestée du président Ali Bongo Ondimba.
A Libreville, le centre de la capitale a retrouvé son animation habituelle, malgré un appel lancé la veille au soir par l'opposition aux Gabonais à rester chez eux "pour des raisons de sécurité".Mais les habitants doutent que la crise post-électorale soit achevée.
L'opposant Jean Ping, qui se déclare "président élu", a demandé lundi aux Gabonais de "résister par le blocage économique du pays" en lançant un appel à une "grève générale" pour "faire tomber le tyran", dans une déclaration sur sa page Facebook.Celle-ci n'est toutefois pas accessible au Gabon en raison de la coupure des réseaux sociaux.
Une question commence à se poser: M. Ping, va-t-il déposer un recours devant la Cour constitutionnelle d'ici jeudi, la date limite ?
Plusieurs dizaines de gens se sont par ailleurs regroupés lundi à la mi-journée devant le palais de justice de Libreville dans l'espoir d'obtenir des nouvelles d'un proche introuvable depuis le début des violences, alors que le parquet doit entendre des centaines de personnes arrêtées lors des troubles de la semaine dernière.
Signe de détente, Internet a été partiellement rétabli lundi après une coupure totale de cinq jours.Aucune explication officielle n'a été fournie sur les raisons de cette coupure.
Les banques, fermées depuis bientôt une semaine, ont rouvert.Les taxis collectifs circulaient de nouveau.
- Rayons dégarnis -
Les commerces ont également rouvert, souvent avec des rayons dégarnis.Le secteur de la distribution a été frappé de plein fouet par la paralysie des transports provoquée par les troubles.
Dans la capitale pétrolière, Port-Gentil, seule la moitié des salariés au siège de Total ont repris le travail lundi, selon une source au sein de la direction.
"Les activités de raffinage sont à l'arrêt", a déclaré de son côté à l'AFP un agent de la Société gabonaise de raffinage (Sogara).
"On a l'impression d'un faux calme", témoigne à Lambaréné (centre) un cadre d'une société de distribution de produits frais (tomates, ananas...), qui déplore deux à trois millions de FCFA (3 à 4.500 euros) de pertes.Son activité n'a pas repris.
Petit pétrolier d'Afrique centrale d'environ 1,8 million d'habitants, le Gabon importe 80% de sa nourriture, notamment du Cameroun voisin.Or, le trafic en provenance du Cameroun reste interrompu, les transporteurs redoutant les pilleurs.
Les troubles ont provoqué des pénuries et une flambée des prix."Quatre piments, maintenant ça fait 1.000 francs" CFA (1,5 euro), contre 200 à 300 CFA en temps ordinaire, déplore André, habitant du quartier populaire de Lalala-à-gauche, dans la capitale.
Après l'explosion de violence mercredi à la proclamation des résultats officiels provisoires, les Gabonais qui le peuvent veulent reconstituer un stock de nourriture avant la prochaine étape du processus électoral: la proclamation par la Cour constitutionnelle des résultats définitifs du scrutin à un tour du 27 août.
"Ca va chauffer grave", pronostique André, exprimant une opinion largement répandue.
- Tractations souterraines -
Dénonçant des fraudes massives, le camp de M. Ping réclame un recomptage des voix bureau de vote par bureau, particulièrement dans la province du Haut-Ogooué - fief de la famille Bongo - où la participation officielle a dépassé 99% avec plus de 95% des suffrages pour le président sortant.
Selon les résultats officiels provisoires, M. Bongo a recueilli 5.594 voix de plus que M. Ping, un ancien cacique du régime d'Omar Bongo, qui a dirigé le Gabon pendant 41 ans, jusque sa mort en 2009.L'élection de son fils Ali avait alors déjà été violemment contestée.
Le pouvoir refuse tout recomptage général des voix arguant que la loi électorale ne le prévoit pas et invite l'opposition à se tourner vers la Cour constitutionnelle.De source diplomatique, le délai court jusqu'à jeudi 16h00.
L'annonce officielle de M. Ping sur ce point est toujours attendue.Mais une partie de se partisans rejette cette option, jugeant la Cour totalement inféodée à la présidence.
Les diplomates à Libreville encouragent M. Ping à déposer son recours, au moins pour laisser quelques jours de plus aux tractations souterraines en cours entre les protagonistes dont l'objectif est d'éviter que le Gabon ne sombre dans le chaos.
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