Un membre de l'opposition gambienne arrêté en mai est mort au cours du week-end, a-t-on appris de sources concordantes, un deuxième décès d'opposant en détention cette année qui suscite l'inquiétude de la communauté internationale à quatre mois de l'élection présidentielle.
Après le département d'Etat américain lundi soir, la diplomatie française a réclamé mardi une "enquête indépendante" sur la mort d'un cadre du Parti démocratique uni (UDP), Ebrima Solo Kurumah, ainsi que sur celle en avril d'un autre dirigeant du parti, Solo Sandeng.
Paris demande aussi la "libération de l'ensemble des prisonniers politiques" en Gambie et juge "particulièrement inquiétantes (..) les allégations de recours à la torture dans ce pays", a déclaré le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Romain Nadal, dans un communiqué.
Le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme a également "déploré" ce décès, soulignant que, selon ses informations, l'opposant "était mort après avoir été hospitalisé pour une opération chirurgicale.Il se serait vu refuser une assistance médicale à plusieurs reprises pendant sa détention".
Le Haut Commissariat exhorte les autorités gambiennes à "enquêter sur la mort en détention de MM.Sandeng et Kurumah ainsi que sur les allégations de refus d'assistance médicale aux détenus", selon sa porte-parole, Cécile Pouilly.
Dans un communiqué, le département d'Etat américain s'est déclaré "profondément inquiet" par ce décès qui serait intervenu le 20 août.
La diplomatie américaine dit "rester troublée par les informations faisant état de mauvais traitements continuels par le gouvernement gambien des personnalités de l'opposition détenues, comme en attestent les récents décès et allégations de tortures".
Washington appelle à "une enquête indépendante sur toutes les allégations crédibles de torture", à "un traitement humain pour tous les prisonniers" et à la "libération immédiate de tous les prisonniers politiques", y compris ceux condamnés en juillet ou arrêtés lors des manifestations d'avril-mai.
- Vingt-deux ans de pouvoir -
"Nous sommes allés cet après-midi (lundi) à la morgue de l'hôpital Edward Francis Small pour confirmer la mort d'Ebrima Solo Kurumah", "décédé pendant le week-end", a déclaré à l'AFP Dembo Bojang, un dirigeant du parti.
L'UDP veut "s'assurer qu'une autopsie sera réalisée avant que le corps ne soit rendu à la famille pour l'enterrement", a précisé M. Bojang.
Dans un communiqué, le parti annonce la mort en détention de Solo Kurumah, arrêté le 9 mai 2016.
"Jusqu'à présent, ni le parti ni les membres de sa famille n'ont reçu de notification officielle de sa mort", selon l'UDP, qui dit avoir appris par des sources officieuses que le détenu avait été hospitalisé le 8 août avant d'être opéré le 19 et de décéder le 20 au matin.
Selon les organisations de défense des droits de l'Homme, une trentaine de personnes ont été arrêtées le 9 mai près de la Haute Cour de Banjul où elles protestaient contre la comparution d'une cinquantaine d'opposants, arrêtés puis inculpés en lien avec des manifestations en avril.
Un dirigeant de l'UDP, Solo Sandeng, arrêté le 14 avril avec plusieurs autres personnes après un rassemblement pour réclamer des réformes politiques, est décédé en détention.Une manifestation le 16 avril dénonçant sa mort a été réprimée et s'est soldée par de nouvelles arrestations, incluant le chef du parti, Ousainou Darboe.
M. Darboe et une trentaine de co-accusés ont été condamnés en juillet à trois ans de prison ferme.
Parvenu au pouvoir par un coup d'Etat sans effusion de sang en 1994, élu en 1996, puis constamment réélu depuis, le président Yahya Jammeh dirige d'une main de fer la Gambie, petit Etat anglophone d'Afrique de l'Ouest qui, hormis sa façade atlantique, est enclavé dans le territoire du Sénégal.
Son régime est accusé par des ONG et le département d'Etat américain de disparitions forcées et de harcèlement de la presse et des défenseurs des droits humains, accusations qu'il rejette régulièrement.
Il est candidat à sa réélection en décembre.
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