Pascal Simbikangwa, le premier Rwandais jugé en France pour complicité de génocide, est apparu totalement habité par la politique, minimisant son rôle et rejetant tout les maux de son pays sur l'ex-rébellion tutsi, au terme de la première semaine de son procès historique.
Apparu au début tassé dans le fauteuil roulant dans lequel il est cloué depuis un accident en 1986, le quinquagénaire dégarni se redresse, agite les mains, dès qu'il s'agit d'évoquer l'histoire tourmentée du Rwanda.
"Faux!" "Impossible!" "Monsieur l'avocat général, je ne suis pas d'accord!" Derrière les vitres de son box, l'ex-capitaine fait régulièrement preuve de la "grande combativité" que lui trouve l'enquêtrice de personnalité.
Dans son français parfait, teinté d'un léger accent, il réfute les accusations, attaque, mais aussi, souvent, prend soin de répondre à côté des questions, ou de noyer le sujet sous des détails annexes.Il est aidé en cela par "la passion politique qui l'habite", selon les termes d'une expertise psychologique, rectifiant ici une date, précisant là un nom.
Totalement isolé en détention - il ne reçoit qu'un unique visiteur de prison et est privé de travail ou de bibliothèque, dont la porte est trop étroite pour son fauteuil, et a pour toutes ressources les 20 euros mensuels perçus comme "indigent" -, le procès semble aussi pour lui un dérivatif à la "déprime" dont il se plaint.
Alors, devant les assises de Paris, il parle, il parle, s'attirant parfois un rappel du président Olivier Leurent, qui le laisse pourtant s'exprimer à loisir: "Ma question était pourtant simple Monsieur Simbikangwa".
Pascal Simbikangwa veut que son procès "fasse exploser les mensonges" que constituent selon lui toutes les accusations.Car pour celui qui se dit "totalement patriotique", pas de doute: c'est le Front patriotique rwandais (FPR), l'ex-rébellion tutsi qui a mis fin au génocide en prenant le pouvoir, qui est responsable du drame."Quand ils ont fait la guérilla, en attaquant des civils, des innocents, alors qu'ils auraient dû attaquer les militaires, ils ont fait une culture de la haine."
"Dérapage malheureux"
Et aujourd'hui encore le FPR, toujours au pouvoir vingt ans après le génocide, ne serait "pas prêt à accepter la réconciliation nationale".
S'il ne nie pas les tueries, il cherche à effacer toute préméditation et à les relativiser, parlant du "dérapage malheureux de la guerre", du pays qui est "tombé dans les massacres et le chaos", de l'accord de paix d'Arusha en 1992 "qui ne pouvait que mener à l'hécatombe que nous avons connue" ou lançant "quand on a su que c'étaient les ethnies, il était trop tard".
D'ailleurs, sa mère était Tutsi, ainsi que sa femme, qui l'a quitté quelques années après son accident.Ce qu'il "a compris".
Quant à lui, "j'étais un simple agent", "je ne sortais pas de mon bureau, j'étais un bureaucrate".Sa première réponse à l'interrogatoire d'identité fut pourtant: "J'ai été capitaine dans l'armée rwandaise puis dans les services de renseignements".Mais il n'a de cesse depuis de minimiser son rôle dans le régime hutu génocidaire.
Les accusations de violations des droits de l'Homme portées contre lui avant même le génocide?"On était dans une époque de désinformation du FPR, et le FPR était très fort."
"La définition en tant que simple fonctionnaire, je ne pense pas que l'expression soit exacte", corrige l'universitaire André Guichaoua, qui étudie le Rwanda depuis de longues années et était à Kigali au début du génocide qui fit 800.000 morts, essentiellement parmi la minorité tutsi, en 100 jours entre avril et juillet 1994.
"Connaissiez-vous l'accusé?" demande le président.
"Je le connaissais de réputation, comme tous ceux qui s'intéressent au Rwanda", répond le chercheur."Capitaine dans la garde présidentielle, ce n'est pas rien, c'est même beaucoup.(...) Pour autant, il ne représente pas le pouvoir, ni l'exercice du pouvoir, je ne le situerais pas à ce niveau."
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