Conakry qui danse, Conakry qui se soulève: la capitale guinéenne avait deux visages après l'annonce lundi soir de l'élection à la présidence de l'opposant historique Alpha Condé (52,52%), devançant de 143.007 voix l'ex-Premier ministre Cellou Dalein Diallo (47,48%).
Dans les quatre communes sur cinq remportées par M. Condé à Conakry, des centaines d'électeurs chantaient et dansaient lundi soir en pleine rue, dans la lumière des phares, une quasi-obscurité régnant sur la ville faute d'électricité.
Mais dans la seule commune où M. Diallo était en tête, Ratoma, des groupes de jeunes avaient, dès le matin, violemment affronté les forces de l'ordre et monté des barricades, persuadés qu'il y avait eu "tricherie".Certains ont saccagé les biens de leurs voisins.Bilan de la répression de source policière: au moins un manifestant tué par balles, des dizaines de blessés.
20H00, au "Palais du peuple": on s'apprête à proclamer, enfin, le nom du premier président civil démocratiquement élu de l'histoire de la Guinée.
Le pays dit adieu à 26 ans de régimes militaires mais, ironie du sort, c'est à un officier que revient la tâche d'annoncer les scores: le général malien Siaka Sangaré, chargé depuis un mois d'apaiser et de faire travailler une Commission électorale guinéenne divisée en deux camps.
Au-dessus de la tribune officielle, deux portraits de chefs d'Etat restent accrochés, comme oubliés là: ceux du défunt "général-président" Lansana Conté qui régna pendant 24 ans (1984-2008) et du capitaine Moussa Dadis Camara, propulsé au pouvoir par un putsch fin 2008 et qui a échappé à une tentative d'assassinat fin 2009 avant d'être écarté.
Aussitôt après l'annonce des "résultats provisoires globaux" --Diallo, 1,33 million de voix, Condé, 1,47-- une foule de partisans exulte: "avec Condé, tout va changer!"
21H30, dans la maison de famille de l'élu, c'est la cohue.Kalachnikov en bandoulière, un militaire embrasse qui veut, un an après le massacre de plus de 150 opposants par les forces de défense et de sécurité.Par téléphone, il commente: "A Conakry, il y en a qui sont contents, d'autre moins: c'est la démocratie!".
Dans la cour, une femme réinterprète une promesse de Condé sur "l'autosuffisance alimentaire en trois ans" en clamant: "Ce soir, je quitte la souffrance!La nourriture sera à la portée de tout le monde!"
Devant les caméras, Condé, 72 ans, prononce son premier "Mes chers compatriotes...".
"Je serai le président de la réconciliation nationale et du progrès pour tous", dit l'opposant à tous les régimes depuis l'indépendance, emprisonné deux ans sous Conté.Et, après une campagne agressive, marquée par des affrontements politico-ethniques, il dédie sa victoire à "tous les Guinéens sans aucune distinction" et affirme tendre "une main fraternelle" à son adversaire qu'il présente comme son "jeune frère".
23H00, au domicile de Cellou Dalein Diallo.Le candidat de 58 ans, souriant, finit de dîner tranquillement avec ses proches et ses alliés.Dans son salon, un partisan assure, par téléphone: "La lutte continue!On ne reconnaît pas cette élection qui inclut les votes de Siguiri et Kouroussa" (Haute-Guinée, plus de 200.000 voix), deux fiefs d'Alpha Condé --un Malinké--, où des violences contre les Peuls avaient eu lieu, en octobre.
"Je vais prouver devant la Cour suprême que les résultats sont truffés d'irrégularités et de fraudes", affirme M. Diallo, qui a cependant "un peu de doutes" quant aux résultats de ce recours."Au delà des fraudes", juge le candidat malheureux issu de l'ethnie peule, "une campagne forte sur l'ethnie a dû jouer", avec des arguments tels que "les Peuls ont déjà tout".
Informé que ses partisans, "excédés", sont encore dans les rues dans ses fiefs de Moyenne-Guinée, il lance un "appel pressant" à ses électeurs pour qu'ils "évitent les violences de toute nature.Il faut à tout prix préserver la paix dans le pays".
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