En Guinée, la fièvre hémorragique due en partie au virus Ebola, qui a fait plus de 100 morts depuis janvier, a "fait oublier" d'autres maladies, qui continuent de beaucoup tuer, et les tensions sociales récurrentes, jugent des habitants de Conakry.
"Nous sommes un peuple traumatisé par ce phénomène de virus Ebola", mais notre "population est également éprouvée par toutes sortes d'épidémies", déclare Adama Traoré, ébéniste à Dar-es-Salam, un quartier populeux de Conakry.
"On luttait déjà contre le paludisme, le choléra, la rougeole et la méningite avant que'Ebola ne vienne nous faire oublier toutes ces maladies", renchérit Abdoulaye Sow, un responsable syndical habitant la capitale.
Ces maladies, dont on parle moins depuis que la fièvre hémorragique a été annoncée dans le pays, en mars, continuent de tuer beaucoup de monde dans un pays riche en ressources minières mais dont la majeure partie de la population vit dans la pauvreté.
"S'il y a une maladie qui tue en Guinée, c'est le choléra mais aussi la méningite, qui durant le premier trimestre de 2014 a tué 24 personnes sur 316 cas enregistrés", explique le docteur Aliou Barry, médecin à Conakry.
Depuis le début de l'année, 4.950 cas de rougeole ont également été enregistrés, entraînant plusieurs décès, selon la même source.
"Nous sommes éprouvés dans notre quotidien.On abandonne tout pour faire face à cette impitoyable et redoutable épidémie qu'on enregistre pour la première fois dans la région" ouest-africaine, dit Rabyatou Sérah Diallo, ancienne présidente du Parlement de transition.
Il n'existe pas de vaccin ni de traitement contre Ebola, un virus découvert en 1976 au Zaïre (aujourd'hui République démocratique du Congo), et à l'origine en partie de l'épidémie de fièvre hémorragique en Guinée.
Selon un dernier bilan, 158 cas de fièvre hémorragique, dont 101 mortels, ont été recensés dans le pays depuis le début de l'année.Et sur ce total, 67 ont été confirmés par des analyses en laboratoire comme étant dus à l'Ebola.
Ce virus hautement contagieux s'est propagé au Liberia voisin, où cinq cas ont été confirmés (sur 25 cas suspects de fièvre hémorragique, dont 12 mortels).Des cas suspects ont également été signalés en Sierra Leone et au Mali, mais les tests à l'Ebola se sont révélés négatifs.
Pour un député s'exprimant sous couvert de l'anonymat, "pour le moment, Ebola est au secours du pouvoir" car "le front social a pris du recul pour faire face à un ennemi commun, Ebola".
Depuis l'annonce de la fièvre hémorragique en mars, les manifestations récurrentes contre les coupures d'électricité et d'eau, souvent meurtrières, ont cessé et presque toutes les grèves, à l'exception de celle des transporteurs la semaine dernière, ont été suspendues.
- Pénurie de produits d'hygiène -
Un commerçant du marché de Madina, le principal de la capitale, se plaint: "Nous sommes en rupture de produits d'hygiène".
De manière général, le gel antibactérien, le chlore et l'eau de javel commencent depuis quelques jours à se raréfier dans les marchés, les grandes surfaces et les stations-service de Conakry: depuis l'annonce de l'épidémie, la population se rue sur ces produits censés protéger de la maladie.
Dans de nombreux bureaux, l'usage est désormais de se laver les mains avant d'accéder aux locaux.
"S'il vous plaît, veuillez vous laver les mains avant d'entrer", ordonne un vigile à l'entrée d'une société.Des jeunes, volontaires recrutés pour l'occasion, obligent les visiteurs à se plier aux instructions.
Aux sièges d'une société d'assurance et d'une banque, dans le quartier administratif et d'affaires de Kaloum, le personnel se protège avec des gants et un cache-nez, a constaté un journaliste de l'AFP.
Et dans la capitale, beaucoup d'employés, devenus méfiants, ne se serrent plus la main et se saluent à distance. Ebola est dans toutes les têtes.
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