L'opposition guinéenne est redescendue lundi dans la rue, se félicitant d'avoir "paralysé" Conakry malgré l'interdiction de ses manifestations contre le "calendrier électoral de la discorde", après les affrontements sanglants de la semaine dernière.
Les manifestations de lundi surviennent au lendemain d'une ébauche de dialogue: une délégation gouvernementale est venue dimanche voir le chef de file de l'opposition, Cellou Dalein Diallo.Mais cet ex-Premier ministre a jugé "hors de question de suspendre les manifestations" sans annulation du calendrier qui prévoit les élections locales en 2016, après la présidentielle fixée à octobre 2015.
Dans un communiqué, le gouvernement du président Alpha Condé - élu en 2010 face à M. Diallo - a annoncé qu'un élève gendarme avait été blessé lundi, apparemment par balle, et fait état de nombreux dégâts et de deux interpellations.
Rappelant que ces manifestations n'étaient pas autorisées, il a condamné les violences, appelant "l'ensemble des acteurs à plus de retenue et de responsabilité" et réitérant sa proposition de dialogue.
Les forces de l'ordre étaient déployées en masse sur les grands axes pour empêcher toute manifestation.L'opposition dit craindre que les exécutifs communaux provisoires désignés par le pouvoir - faute de scrutin à cet échelon depuis 2005 - ne favorisent des fraudes massives à la présidentielle si le calendrier est maintenu.
En l'absence de rassemblement important, une série d'incidents de courte durée ont été signalés, avec échanges de jets de pierres et de gaz lacrymogènes entre petits groupes d'opposants et policiers ou gendarmes, barricades et pneus incendiés, selon des témoins et les autorités.
Des heurts entre protestataires et forces de l'ordre les 13 et 14 avril avaient fait "trois morts et une cinquantaine de blessés dont au moins douze par balle", selon l'opposition, deux morts et une dizaine de blessés selon les autorités.
Dans une déclaration lue à la télévision nationale, le gouverneur Soriba Sorel Camara a déploré que l'opposition poursuive "ses actes de désobéissance civile" dans "cette période d'urgence sanitaire renforcée" en raison de l'épidémie d'Ebola.
"C'est une autre journée très bien réussie pour l'opposition qui a paralysé toute la ville", s'est félicité un des dirigeants de l'opposition, l'ancien Premier ministre Sidya Touré.
La circulation sur l'autoroute Le Prince, principal théâtre des affrontements de la semaine dernière, menant des banlieues au centre-ville à travers des quartiers populaires favorables à l'opposition, était quasi inexistante.
Les commerces, stations-service et écoles étaient fermés en banlieue, où se concentre la grande majorité de la population, de même que le grand marché de Madina, poumon économique de la capitale.
- 'Trouver un compromis' -
"Ici il n'y a pas de demi-mesure, tout le monde est pour l'opposition.Il suffit d'un simple appel à manifester pour que tout ferme", a expliqué à l'AFP Alphadio Diallo, habitant du quartier de Dar es-Salam.
En revanche, sur la presqu'île de Kaloum, quartier administratif et des ambassades, les services fonctionnaient, bien qu'au ralenti, et les écoles étaient ouvertes.
"Nous sommes obligés de faire des provisions parce que le pays n'est plus sûr.Tous les jours il y a des mouvements, des violences dans la capitale", a confié Maciré Camara, commerçante au marché Niger de Kaloum.
"Nous demandons et prions même le pouvoir et l'opposition de trouver un compromis pour éviter à nos enfants une année blanche, mais si chaque parti bande les muscles, c'est le pays qui va en pâtir", a déclaré un enseignant, Abdoul Majid Barry.
Le siège de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), sur laquelle l'opposition a appelé à marcher lundi, était protégé par un détachement de la CMIS (Compagnie mobile d'intervention et de sécurité), unité d'élite de la police nationale.
La rencontre de dimanche entre Cellou Dalein Diallo et la délégation conduite par le ministre de la Justice, Cheick Sako, chargé du dialogue avec l'opposition, était la première entre les deux parties depuis plus d'un an et demi.
Lors d'une visite à Washington la semaine dernière, le président Condé a balayé les soupçons de fraude à la prochaine présidentielle exprimés par ses opposants.
M. Condé, un ancien opposant qui a connu la prison, est le premier président démocratiquement élu de cette ex-colonie française, indépendante depuis 1958, dirigée jusqu'alors par des pouvoirs autoritaires, une période jalonnée de coups d'Etat et de répressions sanglantes.
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