La multiplication d'incidents provoqués par le parti au pouvoir, donné battu dans la plus grande circonscription de Guinée, continuait samedi de retarder la publication des résultats complets des législatives deux semaines après le vote.
A ce jour, la Commission électorale nationale indépendante (Céni) a publié les résultats du scrutin du 28 septembre dans 37 circonscriptions sur 38 qui, selon la presse locale, donnent une légère avance au camp du président Alpha Condé.
Toutefois, le mode de scrutin complexe (uninominal pour 38 députés, proportionnel au plus fort reste pour les 76 autres) rend toute projection aléatoire, selon des experts.
La publication des résultats est suspendue à des "vérifications" toujours en cours à Matoto, quartier populaire de Conakry et première circonscription électorale de Guinée avec 440.000 inscrits, où l'opposition est donnée en tête selon les premiers décomptes effectués sur place.
Mercredi, alors que la compilation des résultats était en cours de finalisation, le parti au pouvoir, le Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG), a exigé diverses "vérifications" mettant en "doute" la véracité des chiffres.
Depuis lors, le RPG n'a cessé de multiplier les recours et incidents de séances, empêchant la poursuite des travaux, a constaté une journaliste de l'AFP.
Vendredi soir, les représentants de la mouvance présidentielle et du ministère de l'Administration territoriale ont annoncé leur retrait de la Commission administrative de centralisation des votes (CACV), chargée de réunir et transmettre les résultats à la Céni, bloquant les travaux.
Au cours d'une séance très houleuse, le RPG a accusé le président de la CACV, un magistrat, d'avoir "emmené chez lui pendant la nuit des procès-verbaux (PV) +litigieux+".
"Qui dit que vous ne les avez pas trafiqués ?", lui a lancé un des délégués du RPG, ostensiblement soutenu par certains commissaires de la Céni, instance paritaire composée de représentants de la mouvance présidentielle et de l'opposition.
"Peur ni de Pierre, ni de Paul"
Le magistrat, Victorien Rahba, dont la compétence avait pourtant été louée jusque-là par les deux camps, s'est défendu de toute mauvaise intention, invoquant la crainte des partis "que les PV soient manipulés pendant la nuit".
Après plusieurs heures d'invectives dans le brouhaha, le magistrat a pour la première fois perdu son calme: "Je n'ai pas peur de la Céni!Je n'ai peur ni de Pierre, ni de Paul!", a-t-il lancé, rappelant avoir été "nommé par la Cour suprême" et ne répondre "que devant elle".
En fin de journée, les travaux ont été suspendus, sans même avoir commencé.Sur le trottoir, des militants du RPG distribuaient une photographie du président Rahba, dossier sous le bras, prise selon eux la veille au soir devant la mairie.
"On est obligés de suspendre pour des raisons plus fortes que nous", se lamentait le rapporteur, Antoine Koulé-Cé, avant de s'engouffrer en compagnie du président Rahba dans un véhicule de police.
Témoins directs des débats depuis 13 jours à Matoto, des observateurs européens ont passé la nuit à la mairie, où ils étaient encore postés samedi aux côtés d'éléments de la Force spéciale de sécurisation des élections législatives (Fossel).
"Par sa présence, sa veille et sa vigilance, la Mission européenne tente de renforcer la confiance réciproque, dans le respect de son mandat", a expliqué à l'AFP le chef adjoint des observateurs européens, Tommaso Caprioglio.
Une réunion plénière de la Céni était prévue dans la journée pour décider du sort qui sera réservé au président de la CACV qui, selon le code électoral, ne peut être révoqué que par la Cour suprême.
"S'ils le font, ce sera un casus belli", a déclaré à l'AFP l'ancien Premier ministre Sydia Touré, porte-parole de l'opposition qui a déjà dénoncé des fraudes "massives" lors du scrutin.Ces élections doivent doter la Guinée de son premier Parlement démocratiquement élu depuis l'indépendance.
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