Vingt ans après l'assassinat en pleine violence islamiste de deux religieux chrétiens à Alger, un frère et une s�?ur catholiques font vivre leur mission d'aider les lycéens algérois, signe de la relation apaisée de l'Eglise avec les autorités et le peuple.
On évoque plus souvent le drame des moines de Tibéhirine mais Frère Henri Vergès et Soeur Paul-Hélène Saint-Raymond, abattus le 8 mai 1994, furent les premiers des 19 religieux assassinés en Algérie lors de la décennie noire, qui a fait jusqu'à 200.000 morts selon les estimations officielles.
La mission du frère mariste et de la petite soeur de l'Assomption fut brutalement interrompue par des islamistes qui les ont exécutés d'une balle chacun à la Casbah dans la bibliothèque même où ils aidaient de jeunes algérois à préparer le bac.
Comme les sept moines trappistes de Notre Dame de l'Atlas dans la montagne de Tibéhirine, ils savaient que leur vie était menacée.Et comme les moines ils ont fait le choix de rester alors que les islamistes venaient de donner ordre à tous les étrangers de quitter le pays.
Après de longues années de fermeture, la bibliothèque a rouvert ses portes, même si elle est amputée d'une partie de ses locaux, occupés par des familles sans logement.Désormais, elle offre seulement 200 places pour aider les lycéens contre 1.200 avant le drame.
Arrivée en 1997 en Algérie, Soeur Veronica raconte qu'elle reçoit même parfois d'anciens élèves, devenus cadres, espérant revoir leurs anciens professeurs.
"Quand je leur donne la nouvelle ils fondent en larmes", raconte la soeur de la congrégation des Augustines dont deux membres furent assassinées en octobre 1994 dans le quartier voisin de Bab-El-Oued.
- 'Comme les Algériens' -
L'archevêque d'Alger, Mgr Ghaleb Bader, lui, rejette l'idée de toute "persécution" des chrétiens durant la guerre civile.
"Tout le peuple algérien a été victime de cette violence, à laquelle il ne trouve pas d'explication.Il n'y avait pas de persécution des chrétiens.L'Eglise a juste pris sa part de souffrance et payé sa part d'une violence aveugle qui frappait sans discernement", juge-t-il.
Soeur Veronica confirme.Derrière elle un portrait d'Henri Vergès est accroché à un mur de la jolie bibliothèque, qui conserve le charme de ses patios, ses colonnades et ses mosaïques.
"Ce sont des gens qui ont payé, comme les Algériens", observe-t-elle, ajoutant aussitôt: "à la différence qu'ils avaient la possibilité de partir mais ont choisi de rester par fidélité".
Le temps a rétabli la confiance."Je me sens très bien accueillie dans ce pays.Si je n'avais pas d'amis, s'il n'y avait pas de confiance je ne serais pas restée".
Les drames qui ont frappé l'Eglise au même titre que tous les Algériens "sont une marque de notre intégration dans ce pays", analyse Mgr Ghaleb Bader, soulignant qu'il n'existe pas de restriction à l'exercice de son culte.
- Prières communes -
La communauté chrétienne, évaluée officiellement à quelque 10.000 fidèles, est en fait beaucoup plus importante avec l'arrivée de milliers d'ouvriers philippins, chinois et d'étudiants africains.L'archevêque dit avoir célébré récemment une messe pour 600 ouvriers philippins après l'accord du préfet.
Autres signes de normalisation: la présence d'une vingtaine d'imams la semaine dernière au centenaire de l'église de Saint-Augustin à Annaba (est) et la poursuite du ribat (lien), des prières communes associant musulmans et chrétiens.
L'Eglise catholique d'Algérie refuse par ailleurs de s'associer à la plainte déposée en France par des familles des moines de Tibéhirine sur les circonstances de leur enlèvement et mort en 1996.
"Il y a un procès intenté par certaines familles, nous le suivons mais l'Eglise ne fera pas de procès", dit Mgr Ghaleb.
Après avoir suivi la thèse islamiste, le juge français Marc Trévidic a réorienté l'enquête vers une possible bavure de l'armée algérienne, avec le témoignage d'un ex-attaché de défense à l'ambassade de France à Alger.
Parti en novembre 2013 enquêter en Algérie, le juge devrait y retourner à une date non précisée afin d'exhumer les têtes des religieux décapités et faire progresser une information judiciaire qui piétine depuis plus de dix ans.
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