L'assassinat dans la nuit d'un prêcheur radical musulman a déclenché vendredi de violentes émeutes à Mombasa, deuxième ville - très majoritairement musulmane - du Kenya, où une église, notamment, a été incendiée.
Le prédicateur tué jeudi soir, Cheikh Ibrahim Ismail, était considéré comme le successeur d'un autre prêcheur radical, Aboud Rogo Mohamed, accusé de liens avec les insurgés islamistes somaliens shebab, lui-même assassiné en août 2012.
Le meurtre de Rogo, dans des circonstances similaires, avait déclenché trois jours d'émeutes à Mombasa, durant lesquelles cinq personnes, dont trois policiers, avaient été tuées.
Selon la police, les émeutiers ont pris la rue vendredi et commencé à affronter la police à l'issue de la prière hebdomadaire musulmane, autour de la mosquée Masjid Musa où officiait Cheikh Ibrahim Ismail et avant lui Aboud Rogo Mohamed.
Une église de l'Armée du Salut a été incendiée par les émeutiers, a constaté un correspondant de l'AFP.Selon la Croix-Rouge kényane, le feu a ensuite été circonscrit.
La Croix-Rouge a également annoncé avoir évacué "quatre victimes" vers l'hôpital, sans donner de détail sur leur état.Deux ont été touchées par balles, deux blessées par arme blanche, a simplement précisé l'organisation caritative.
Un témoin, Salim Abdallah, a indiqué à l'AFP qu'un manifestant avait été blessé par balle "à l'estomac" et évacué vers l'hôpital "saignant abondamment".
Une épaisse fumée, semblant provenir de pneus incendiés, s'élevait autour de la mosquée Masjid Musa, fréquentée par des fidèles radicaux.Des unités paramilitaires de la police ont été vues entrant dans le quartier Majengo, où se trouve l'édifice.
Les émeutiers répliquaient par des jets de pierre aux tirs de gaz lacrymogène de la police, selon un correspondant de l'AFP.Plusieurs détonations, d'origine inconnue, ont également entendues.
L'essentiel des violences se déroulaient dans le quartier central de Majengo.Des affrontements sporadiques et des pillages ont également été signalés dans d'autres quartiers mais la propagation semblait limitée.
"Des jeunes sauvageons"
Le chef de la police de Mombasa, Kipkemoi Rop, a annoncé que 24 personnes avaient déjà été arrêtées pour diverses infractions.
"Nous ne tolérerons pas que des jeunes sauvageons s'emparent de la ville, c'est pourquoi nous avons déployé suffisamment d'agents pour leur faire quitter la rue (...) car ils détruisent des biens", a-t-il assuré.
Un autre prédicateur radical, Abubaker Shariff Ahmed - alias "Makaburi" (tombeau en swahili) - a, immédiatement après le meurtre de Cheikh Ibrahim Ismail, accusé la police d'avoir procédé à une "exécution pure et simple".
"Le police tue des gens en disant que c'est une guerre contre le terrorisme, mais c'est une guerre contre l'Islam", a-t-il lancé.
Les partisans de Rogo et d'autres organisations musulmanes avaient déjà accusé en août 2012 les forces de sécurité de l'avoir assassiné, ce que les autorités kényanes avaient démenti.
Cheikh Ibrahim Ismail a été tué en compagnie de trois personnes, lorsque leur véhicule a été pris pour cible par des hommes armés.Un seul passager, Salim Abdi, a survécu: "Il y a eu des tirs et le véhicule a quitté la route.Je ne sais pas comment je suis sorti vivant, les quatre autres sont morts sur le coup", a-t-il raconté.
Selon un journaliste de l'AFP s'étant rendu sur les lieux, la voiture, vitres brisées et portes criblées de balles, a percuté, à une dizaine de kilomètres du centre-ville, l'accotement de la route côtière quittant Mombasa vers le nord.
Nombreuses douilles autour de la voiture
Le cadavre d'Ismail était toujours visible tard dans la nuit sur la banquette arrière du véhicule.Autour de la voiture, de nombreuses douilles laissaient supposer que les tirs s'étaient poursuivis après sa sortie de route.
Rogo figurait sur une liste de personnes soupçonnés par Washington et l'ONU de recruter de jeunes Kényans et de lever des fonds pour les shebab, liés à Al-Qaïda, liste sur laquelle figure toujours "Makaburi".
Les shebab ont revendiqué l'attaque, lancée le 21 septembre, contre le Westgate, un centre commercial de Nairobi.Le commando islamiste a tenu tête près de 80 heures aux forces de sécurité kényane.L'attaque a fait au moins 67 morts, dont 61 clients et commerçants, et 39 personnes sont toujours portées disparues.
Mombasa et la région touristique de la Côte, où vit l'essentiel de l'importante minorité musulmane du pays, souffre depuis des décennies de sous-investissement et la plus grande partie de sa jeunesse est au chômage, générant une situation sociale potentiellement explosive.
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