L'homme fort du Burkina Faso, le lieutenant-colonel Isaac Zida, a estimé jeudi n'être pas tenu par le délai de 15 jours imposé par l'Union africaine (UA) pour rendre le pouvoir aux civils, sans toutefois exclure de passer le relais plus rapidement.
"Le délai qu'on nous a imposé (...) ce n'est pas véritablement une préoccupation pour nous", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse à Ouagadougou, "l'UA peut dire +dans trois jours+, ça n'engage que l'Union africaine".
"Si demain nous avons une personnalité consensuelle" pour diriger une autorité de transition "nous n'allons pas attendre l'UA" pour rendre le pouvoir, a poursuivi le lieutenant-colonel Zida, en treillis camouflage et béret rouge, entouré de plusieurs gradés en tenue de combat.
"L'important, c'est de parvenir à un consensus pour aller au bout d'une année sans problème et faire des élections dont les résultats seront acceptés par tous", a ajouté l'ancien numéro 2 de la garde présidentielle, désigné par l'armée le 1er novembre pour prendre les rênes du pays.
L'UA a menacé lundi le Burkina Faso de sanctions si les militaires, qui se sont emparés du pouvoir vacant après la démission le 31 octobre du président Blaise Compaoré, chassé du pouvoir par la rue, ne remettaient pas le pouvoir aux civils dans les deux semaines.
"Nous n'avons pas peur des sanctions.Nous prêtons davantage attention à la stabilité et à la paix pour les habitants du Burkina.Les sanctions ne sont pas vraiment notre souci en ce moment", a assuré le lieutenant-colonel Zida.
Mardi, il s'était engagé à "remettre le pouvoir aux civils", s'avançant sur un délai de "15 jours", selon des propos rapportés par un chef traditionnel et un responsable syndical.
Moins d'une semaine après la chute du président Compaoré, chassé après 27 ans au pouvoir, le "pays des hommes intègres", petite nation sahélienne de 17 millions d'habitants, tente de mettre sur les rails une transition civile.
Mercredi à Ouagadougou, armée, opposition, société civile, ainsi que les chefs traditionnels et religieux, ont conclu un accord, sous l'égide d'une médiation ouest-africaine, pour "la formation d'un gouvernement de transition pour une période d'un an" et "l'organisation d'élections présidentielle et législatives d'ici novembre 2015".
- Jeunesse mobilisée -
En revanche, les acteurs de la crise ont échoué à s'entendre sur une personnalité pour diriger la transition.Et selon des participants à la réunion, les médiateurs faisaient pression sur les acteurs politiques et sociaux burkinabè pour accélérer le processus de désignation de cette personnalité.
Dès le lendemain de l'accord, opposition, société civile et chefs religieux et traditionnels du Burkina Faso ont commencé à plancher sur une "charte de la transition".
Elle définira "les différents organes de la transition et les qualités de la personnalité qui sera choisie pour la diriger", ont expliqué Ablassé Ouédraogo, président du parti Le Faso Autrement et un responsable associatif.
La commission soumettra le résultat de ses travaux samedi à une conférence "plénière" chargée de le "valider", avant une discussion sur ce point avec les médiateurs de la crise burkinabè, la troïka ONU-UA-Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao)
Le camp Compaoré n'a pas été invité aux travaux, mais pourra présenter ses propres propositions aux médiateurs, selon le responsable associatif.L'armée a également préparé une "charte" de son côté, selon des sources militaires.
"On se retrouve tous ensemble lundi - armée, société civile, partis politiques, religieux - pour sortir un document unique et consensuel", a déclaré Jonas Hien, un responsable de la société civile à l'issue d'une rencontre jeudi avec le lieutenant-colonel Zida.
La situation au Burkina Faso devait être examinée à Accra par la Cédéao, qui a entamé jeudi un sommet extraordinaire de deux jours.
Sur le plan institutionnel, le lieutenant-colonel Zida a annoncé jeudi soir que la Constitution, suspendue par l'armée, serait rétablie dès qu'un accord sur les modalités de la transition serait trouvé avec la médiation, sans s'avancer sur une date.
Le président ghanéen John Dramani Mahama, qui présidait les débats mercredi en sa qualité de président en exercice de la Cédéao, s'est dit confiant dans la conclusion d'un accord et l'installation d'un gouvernement intérimaire "d'ici quelques jours".
La plupart des acteurs de la crise disent croire également à la volonté de l'armée de rendre le pouvoir dès que possible.
Mais d'autres sont plus méfiants, comme le musicien Sams'k le Jah, l'un des fondateurs du Balai Citoyen, mouvement de jeunesse très actif dans la mobilisation contre Blaise Compaoré.
"La jeunesse doit rester vigilante, mobilisée, déterminée et continuer de mettre la pression sur les acteurs de la transition", a-t-il lancé jeudi.
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