Les plongeurs ont poursuivi dimanche la remontée des corps de centaines de migrants morts jeudi dans un naufrage près de l'île de Lampedusa, une "tragédie" qui ne doit plus se reproduire, a dit la ministre italienne Cécile Kyenge.
Devant l'ampleur du drame, les appels à une modification des politiques européennes en matière d'immigration se multiplient.
L'opération de remontée des corps a repris tôt dimanche matin, après avoir été interrompue vendredi pour cause de mauvais temps.Les plongeurs ont pu récupérer dans la journée 70 corps, ce qui porte à 181 le bilan officiel d'un drame dont les autorités redoutent qu'il ait fait entre 300 et 360 morts.
Seuls 155 des 480 à 520 Erythréens et Somaliens entassés sur un bateau de pêche parti clandestinement de Misrata, en Libye, ont pu être sauvés.Les survivants sont tous érythréens sauf le pilote du navire, un Tunisien âgé de 35 ans qui a été arrêté.
Rocco Cannel, propriétaire d'une école de plongée, a été le premier à descendre sur l'épave : "Je n'oublierai jamais ce que j'ai vu", a-t-il déclaré à l'AFP.
Les plongeurs ont décrit des scènes de cauchemar au fond de l'eau : des corps pris au piège dans l'épave, serrés les uns contre les autres, ou éparpillés sur le fond sablonneux.
Les autorités italiennes envisagent de renflouer le bateau, qui gît par 47 mètres de fond à un demi-kilomètre de la côte de la petite île.
Cécile Kyenge, ministre italienne de l'Intégration, originaire de la République démocratique du Congo (RDC), a assisté dimanche à l'arrivée des corps dans le petit port.Elle a appelé à ce qu'il n'y ait "plus jamais de telles tragédies".Des politiques de "prévention" sont nécessaires, a-t-elle dit.
Dans une interview au Corriere della Sera où elle a annoncé un triplement (de 8.000 à 24.000) des places pour l'accueil des immigrés, elle a prôné des politiques d'immigration moins "punitives" en Italie et dans l'Union européenne.
Car, selon elle, les "flux migratoires ont changé": il s'agit davantage de réfugiés de guerres que de migrants économiques.
Mme Kyenge a dénoncé "l'absurdité" d'une loi italienne qui considère comme des "suspects" d'immigration clandestine des gens qui fuient des conflits.
La ministre a annoncé des discussions au niveau interministériel sur cette question.Mais le dossier ne fait pas consensus dans le gouvernement gauche-droite d'Enrico Letta.
L'Italie, qui fait face à un nouvel afflux exceptionnel de migrants (30.000 depuis le début de l'année, quatre fois plus qu'en 2012), a obtenu que la question de l'immigration figure à l'ordre du jour d'une réunion ministérielle européenne à Luxembourg mardi.
M. Letta, qui a annoncé la visite mercredi sur l'île du président de la Commission européenne José Manuel Barroso, a insisté sur l'actuelle porosité des frontières libyennes.
"Notre problème s'appelle Libye.Tout a changé en deux ans, nous irons là-bas pour faire adopter des règles plus strictes", a déclaré le chef du gouvernement italien à la chaîne de télévision Sky TG24.
Rome souhaite aussi que la question soit discutée lors du prochain sommet européen, les 24 et 25 octobre à Bruxelles.
L'UE doit aider davantage l'Italie, qui "ne peut pas être le premier pays (d'entrée des migrants africains, ndlr) et tout assumer sur ses épaules", a estimé M. Letta.
Selon le chef de la diplomatie française Laurent Fabius, Paris proposera probablement de mettre la question à l'ordre du jour du sommet européen."La Méditerranée ne peut pas rester un immense cimetière à ciel ouvert.Il faut agir", a-t-il dit dimanche.
Selon des ONG, entre 17.000 et 20.000 migrants ont péri en tentant la traversée de cette mer vers le sud de l'Europe ces vingt dernières années.
Les rescapés érythréens, qui seront hébergés à Rome, ont demandé le rapatriement des corps des défunts en Erythrée, alors qu'initialement les autorités italiennes pensaient les enterrer dans des cimetières siciliens.
Le centre d'accueil de l'île est surpeuplé (1.000 occupants pour 250 places) et une partie des réfugiés, dont des rescapés du naufrage, ont dû dormir dehors les dernières nuits sous des abris de fortune.
Le pape François a envoyé à Lampedusa son aumônier personnel, Mgr Konrad Krajewski, pour bénir les victimes.
Le pape a lui-même observé lors de l'Angelus un moment de silence devant les milliers de fidèles réunis comme chaque dimanche sur la place Saint-Pierre au Vatican.
"Prions tous en silence pour nos frères et nos soeurs, femmes, hommes, enfants.Que nos coeurs pleurent en silence", a dit le souverain pontife.
Une pétition de l'hebdomadaire L'Espresso demandant que le prix Nobel de la Paix soit attribué à l'île de Lampedusa a recueilli plus de 37.000 signatures.
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